Bertrand : Voyez ces tableaux qui représentent des scènes de la vie du livre, sa création, son usage, son installation sur l’île, le fait qu’on y abatte les arbres, peut être pour l’empêcher de s’enfuir. On y voit trois bateaux, vingt cinq lanciers qui prennent le livre, là l’océan, un fleuve, une île au milieu d’une cité et un diable aux pieds fourchus qui en prend possession. Dans les derniers tableaux, on voit la guerre, la guerre partout avec des légions aux crânes grimaçants. On voit un futur pour ce grimoire. Un futur que nous avons empêché, j’espère. Il est étrange que cette culture ancienne nous représente le diable tel que nous le connaissons.
L’officier : J’avais pour ordre de rapporter cet objet sur Paris, ce qui correspond bien à la ville avec une île, c’est à l’île de la cité que je dois rapporter mes prises, objets, et créatures. Je rapporterais les cadavres des géants qui s’empilent dans le couloir, et le lutrin.
Arthur : L’histoire future du livre ne mentionne pas notre intervention. Monsieur, le livre a sacrifié vos hommes pour nous empêcher d’agir. Il a vu sa perte et sacrifié le destin qu’il connaissait pour contrecarrer sa destruction qui n’était pas écrite. Nous connaissions le livre. Ceux qui l’ont mis à l’abri ici ne savaient rien de nous.
L’officier : Vous avez raison, mais il y a une escouade par navire, les suivants auraient pu être les vingt cinq de la prédiction pour l’emporter vers sa destinée. Je vais rentrer à bord et faire mon rapport. Les équipes viendront ramasser nos morts, les créatures et les preuves. Effacez les traces de vos chevaux et cachez vous jusqu’à ce que nous partions.
Bertrand vérifie l’état de ses amis, presque indemnes, ne s’étonne plus de la guérison miraculeuse de la Dame, qui se retrouve en guenilles. Elle profite de l’occupation des hommes et d’un coin tranquille pour se changer, ôte ses haillons dissous, enfile son avant dernière tunique.
Les cinq compagnons se rassemblent et préparent leur fuite. Le soulagement se mêle à l’horreur. La quête est achevée mais la convoitise pour son objet a causé beaucoup de malheur et de morts. Les trois navires sont encore là, seule une petite fraction de leurs occupants est arrivé.
Arthur : Il faut se mettre à l’abri quelques jours, se cacher peut être, pour laisser ces hommes constater l’absence du grimoire recherché.
Frédérick : allons au nord, derrière cette crête, nous serons sûrement à l’abri.
Philippe : espérons que notre solide embarcation est sauve.
Ils partent chercher les chevaux et prennent la direction du nord, à pied, les rennes en main. Frédérick part à rebours effacer leurs traces. Une demi heure de marche rapide et la crête est franchie. Devant eux, une large cuvette herbue, contenant deux petits lacs et deux étangs. C’est la caldeira d’un ancien volcan dont la paroi basaltique donne une herbe très riche d’un vert profond et des buissons à hauteur d’épaule.
Philippe : Nos chevaux ont de quoi paître, et s’abreuver pendant des mois, mais pas un arbre pour notre usage. J’espère du gibier pour nous.
Arthur : Cachons nous quelques jours, derrière cette petite colline entre les lacs, nous serons invisibles des regards portés de la crête.
Bertrand à la Dame sur le chemin de leur cachette : Grand admirateur de la pensée de Thomas d’Aquin qui dans votre cas se trompe doublement. Pour lui, la femme est un être occasionnel et accidentel, mais votre présence parmi nous est providentielle, il aurait fallut un terrible brasier pour anéantir ce maléfique grimoire. Tout au plus nous aurions fait un bûcher qui n’aurait pas suffit en sacrifiant notre forte yole. Il trouve que en tant qu’individu, la femme est un être chétif et défectueux, mais vous êtes plus résistante et forte que nous, chevaliers. Depuis la digestion du livre, je louerais chaque jour le destin, votre créateur pour vous avoir mise sur notre route, et mon seigneur Arthur pour avoir eu le bon goût et la générosité de vous inviter. Nous vous devons certainement la vie et à coup sur la réussite de notre quête.
Frédérick, après avoir effacer leurs traces s’arrête à la crête porte son regard au sud, voit la mer et une île distante de plusieurs lieues. Le brouillard lors du débarquement, puis leur empressement par la suite, les ont empêchés de prendre conscience de l’autre île, très verte. Frédérick s’allonge au ras de la crête, appelle ses amis, plisse les yeux. Il découvre une île montagneuse plus haute et couverte d’arbres. Les autres s’approchent, ne laissant passer que la tête, et regardent l’île.