Il a donné des ordres, déployé toutes ses forces sur la cote ouest des royaumes de France et d’Espagne, loué un millier de mercenaires pour attraper vivante sa créature. Ses services de sémaphores et de transmission par pigeons tournent à plein régime pour distribuer des ordres et recevoir des rapports. Son contrôle du miroir s’est affiné par la coercition. Une petite scie à denture fine a fait comprendre qu’il ne plaisantait pas. Malgré les suppliques du miroir, il a sectionné l’extrémité d’une petite corne, révélant une matière molle, comme vivante, très sensible.
Grace au miroir, il a conscience de l’environnement de sa créature. Il a envahit l’esprit d’un capitaine flibustier anglais, proche de la position de sa créature, lui suggérant de faire cap au sud. le lien est ténu à cause de la distance, trop faible pour faire ployer la volonté du boucanier, mais suffisant pour utiliser sa propension à faire le mal et guider ses désirs de méchanceté. Il a plus facilement influencé le maître de la cambuse et lui a fait cuisiné tous les rats, seuls animaux à bord.
Ce navire, doté d’un équipage de cinq douzaines d’hommes aguerris doit pouvoir venir à bout de quatre chevaliers inconscients et d’une démone sans pouvoir.
La Dame voit arriver un navire assez imposant, plus long et gros que celui qui les a amenés sur l’île. Il arbore un pavillon assez figuratif
Quand elle a remonté ce dernier qui grommelle malgré l’inconscience, les trois autres ont un couteau sous la gorge et une douzaine de marins hirsutes et puants aux mises dépareillées leur passent des chaînes aux mains et aux pieds. Elle parle, ils répondent, sans se comprendre.
Elle fait signe de boire, montre les quatre hommes mal en point. Des ordres sont donnés, le plus jeune des marins arrive peu après avec seau et une louche, distribue une lampée à chacun puis une autre. Bertrand ouvre un œil, tressaille, se secoue puis ouvre deux yeux effrayés
D’autres ordres donnés par une voix plus forte, un quatrième couteau prend place sous le menton de Bertrand, on lui enchaîne mains et pieds, pendant qu’il fait signe de ne rien faire.
La Dame sent une colère froide monter, une colère sans issue, décide d’attendre une solution. Comment récupérer ses pouvoirs.
Bertrand : Ma Dame j’ai confiance en vous. Pour l’instant ne faites rien Je comprends la langue de ces hommes Ils sont anglais, vraisemblablement des corsaires ou pirates. Je vais tenter de négocier nos vies contre quelque fortune sous forme de rançon.
Le capitaine, un homme grand, musculeux doté d’une panse imposante, d’une barbe noire volumineuse, avec une volonté inflexible dans ses yeux. Il est rapide sur le pont malgré sa masse. Il donne des ordres se fait narrer l’arrivée des visiteurs, ordonne qu’on attache la femme au mât avec des entraves constituées de solides barres. Il la scrute sort un sabre immense, le glisse sous le cou de la belle et la défie du regard.
Bertrand s’adresse au capitaine en anglais. il répond avec quelques mots de français, acquiesce, interroge ses hommes, rit à gorge déployée.
Bertrand : Ils ont l’air d’accord pour nous laisser la vie sauve contre une forte somme, presque la rançon d’un prince, mais ils veulent une avance tout de suite en plus de nos équipements qui sont déjà confisqués et de la future rançon. Ils veulent abuser de vous chacun leur tour : le capitaine, la vigie qui nous a vus, les quartier-maîtres qui se tiennent prêts à nous égorger, les marins, le mousse s’il en a le courage.
Mais d’abord il propose de vous débarbouiller d’eau de mer, un repas chaud de porc salé bouilli avec oignons et navets et du pain et du vin.
Nous avons la matinée pour nous reposer. Le capitaine se prend pour un gentilhomme en vous accordant quelques heures, un seau et un repas chaud.
Est ce un caprice du destin ou une intervention divine qui a fait de vous notre alliée, je pencherais aujourd’hui pour la seconde hypothèse.
Le capitaine vous réserve un sort que beaucoup appellent pire que la mort. Je suis sûr que vous ferez ce qui est juste sans aller dans des extrémités idiotes. Qui que soit la force qui vous envoie, ne soyez pas timorée. Ne ménagez pas ces marins sans foi ni loi, ni compassion.
Je vais écrire nos aventures plus tard Je tacherais de transcrire de la scène qui va suivre votre valeur et de faire une ode à votre courage.
Les entraves, de solides barres d’acier, ne facilitent pas la position de la Dame qui doit rester courbée et fléchie pour tenir debout, pendant que l’équipage s’installe en rond comme un auditoire. On lui fait signe de s’allonger sur le rouleau de cordages au pied du mât.
La Dame, sur ses pieds d’un saut carpé, toujours entravée, se penche en avant jusqu’à rencontrer la tête du capitaine, élargit son sourire, ouvre grand la bouche puis plus grand encore, projette son corps en avant, gobe la tête, les épaules, avance encore, croque avant le bassin. Elle avale, aspire les bras dont les mains remuent follement avant de disparaître dans la bouche fermée qui reprend très lentement sa taille. Les jambes et le bassin, laissés seuls, tombent en arrière. les pieds se crispent puis se relâchent totalement. La Dame a un sourire béat. La masse énorme engloutie distend son corps, les entraves mordant sa chair. Elle allonge son corps pour faire de la place, puis ses membres pour les affiner et se libérer de l’acier qui la meurtrit. Du haut de quinze pieds s’adresse à la cantonade et Bertrand, demande
La Dame : A qui est-ce le tour ?
Bertrand : The lady ask who is the next ?
La vigie et les quartiers-maîtres sautent précipitamment à la mer ainsi qu’autant de marins avant de se souvenir qu’ils ne savent pas nager.
La Dame reprend une taille normale, croque les fers de Bertrand devant les marins effarés. Bertrand remercie et s’octroie le grand sabre.
Il fait quelques moulinets savants. D’une voix ferme toujours en anglais il donne des ordres et prend des dispositions. les pirates agissent. Il propose aux pirates de rendre les armes ou de sauter à l’eau. Il leur explique un arrangement utile, tous ceux qui acceptent se partagent le navire à la fin du voyage, les autres se partagent l’océan. La mort attend les parjures et les traîtres.
Bertrand : And for those don’t agree tell it to the Lady.
Il fait nettoyer le pont des souillures du capitaine, assigne des tâches à chaque marin. A deux ils visitent le navire entier trouvent la cale spacieuse et plutôt vide, le produit des pillages ne prenant pas trop de place. Bertrand prend la décision de mettre le cap sur l’île ou attendent patiemment leur fiers destriers Ils n’auront pas facilement de bateau aussi grand ni aussi rapide surtout avec une bourse plate.
La Dame transporte les trois endormis vers la cabine du capitaine. Bertrand alterne leur soins et le commandement. La Dame garde l’accès
Elle interdit le gaillard d’arrière aux marins en se postant devant, passant le temps en cousant deux robes. Son ventre rétrécit peu à peu.
Le lendemain, les trois chevaliers reprennent conscience chacun leur tour, Bertrand leur raconte une version adoucie de l’histoire et leur destination, qu’il a pris le commandement du navire.
Il reprend conscience, on tambourine à la porte et on crie.
VOTRE EMMINENCE VOTRE EMMINENCE
Vous allez bien ?
La clarté du jour provenant de la fenêtre Est indique une matinée bien entamée. Ce sont les larbins qui apportent la collation du matin. C’est le noir total dans son esprit depuis la veille après déjeuner. Un fourmillement terrible emplit sa tête, son corps est perclus de douleurs et de raideurs, tous ses membres endoloris, surtout le principal.
Que lui est il arrivé ?
Son bureau et son cahier de vélin sont humides de salive.
Il est tenaillé d’une faim terrible, une faim de nourriture et une faim de sexe.
Son phallus lui envoie des signaux contradictoires, une immense douleur somatique et malgré sa faiblesse extrême, il est dur et tressaille au rythme de son cœur et bat son appendice xiphoïde, signe d’un appétit féroce et signal que l’abstinence est dangereuse et va dans quelques heures mettre fin au sortilège.
Mais que c’est il passé ? Les souvenirs sont flous.
Il répond « J’ARRIVE » en direction de la porte d’où redoublent des coups, s’y précipite en titubant, débloque les nombreux verrous, déclenche la serrure puis retourne s’asseoir derrière son bureau.
« ENTRE »
Son majordome apeuré entre avec le chariot de cuisine habituel, la soupière fume, les petits pains embaument l’air.
« Firmin, faites préparer une très grosse omelette et trancher deux livres de jambon. Apportez moi trois pichets d’hypocras. Envoyez moi Symphorien.
Il attrape la soupière, avale la moitié du contenu d’un trait. Le bouillon éteint un peu les bourdonnements dans son crâne.
Il s’installe confortablement a son bureau et continue de manger et de boire.
Des souvenirs fugaces arrivent par bribes, le miroir, sa créature vivante, le navire pirate anglais, l’organisation du viol collectif qu’il désapprouvait car il se réservait tous les usages de ce corps. Il a choisi de vivre toutes les sensations du capitaine.
La douleur extrême encore présente sous la ceinture, le choc d’être avalé et coupé en deux, la torture d’être digéré.
Il avait étendu ses sensations pour vivre pleinement la défloration de sa créature à la première personne pour ne rien en perdre, sans s’attendre à cette montagne de douleur qui a épuisé son corps et son esprit.
Il avait trop poussé du coté de la méchanceté le capitaine anglais pour réussir à dérouter le navire.
Il doit rattraper son retard pour ne pas mettre fin au sortilège qui le tien debout, pour ne pas se retrouver avec des jambes inertes et décharnées.
La nouvelle partie inférieure de son corps, il s’y est habitué, elle lui donne entrain et vitalité. Même si il mange plus qu’avant, plus du triple, bien loin de la portion admise dans les ordres.
La tête et le corps envahit par la douleur, il n’a pas envie de forniquer mais il veut garder ses jambes de satyre qui le portent depuis huit ans, lui donnent une endurance surhumaine, pratique pour contrôler dune main de fer tout un pan de l’inquisition, indispensable pour certaines pratiques de magie très consommatrice d’énergie vitale.
Symphorien frappe à la porte avec le code convenu, le sortant de son introspection.
Il lui ordonne d’entrer
Symphorien : Maître, je me suis inquiété pour vous. J’ai cinq jeunes femmes qui se tiennent prêtes depuis hier.
L’inquisiteur : Je vais m’en occuper tout de suite, prépare en cinq autres. Apporte leur toutes de quoi manger chaud et du vin. Elles auront besoin de toutes leurs forces.
Le larbin repart soulageant la vue de l’inquisiteur. Il est extrêmement dévoué mais qu’il est moche.
Il repense à la scène qui l’a épuisé et comprend maintenant pourquoi certains auteurs de démonologie conseillent d’utiliser un olisbos pour déflorer les démones les plus puissantes voire les démones tout court. Son ancien maître avait confisqué des quantités de ces objets dont un précieux tout en or de forme anatomique ayant appartenu à une reine d’Égypte. Depuis la mort de son maître, quand il a pris sa place, il avait gardé précieusement cet objet chez lui.
Dès qu’Arthur est assez fort, il prend place à la timonerie et surveille tout le pont.
Arthur : Ma Dame, merci de nous avoir sauver à nouveau. Ce gros ventre, d’où vient-il ?
Arthur mène l’équipage d’une main de fer, fait procéder à un grand nettoyage. Les marins sont très affairés à leurs tâches et à des conversations chuchotées
Le trajet jusqu’à l’île se passe bien. Les quatre chevaliers récupèrent leur condition physique avec assez d’exercice de nourriture et d’eau. Ils améliorent l’ordinaire du bord des restes des provisions de la yole. Les marins sont craintifs et souvent engagés dans des conciliabules.
Arthur, qui connaît bien l’île et la manœuvre, dirige le navire pour se rapprocher de la côte et décide de jeter l’ancre à l’emplacement du premier navire de l’inquisition qui avait le même tirant d’eau. Maints pirates à bord ont déjà fait relâche ici pour de l’eau douce et du gibier.
Arthur : ce navire est rapide, le vent va forcir en cette fin d’automne, il nous faudra cinq à sept jours pour rejoindre un port breton ami.Je propose de partir demain dès l’aube.
Arthur : je reste à bord pour garder un œil sur ces coquins. Ils ne comprennent que l’anglais, sont très retords, nous trahiraient aussitôt.
Bertrand : Je reste avec vous, je vous seconderai avec ma connaissance de la langue J’ai aussi bien en main ce grand sabre qui les terrorise.
La Dame : Pour préparer un trajet si long, je dois moi aussi passer un peu de temps sur l’île. J’emporterai ma couture pour le temps que vous panserez les chevaux, ils n’aiment pas mes caresses.
Arthur et Bertrand gardent le navire, les trois autres ont pris la yole et débarqué.
Ils font un bout de chemin ensemble évitant de peu l’ attaque des mains noires et grimpent vers le nord de l’île en direction de la caldeira. Restée seule sur le plateau en vue de la caldeira, à le recherche d’un petit animal à manger vivant, pour tenir sept jours avec ses pouvoirs disponibles.
Elle entend le cri de Bertrand puis le frottement d’une chaîne dans l’écubier. Elle court vite vers le bord de la falaise, en chemin perçoit le parfum du sang d’Arthur mêlée aux odeurs marines, une grosse boule se forme dans sa gorge. Elle arrête sa course au bord du promontoire qu’elle connaît, voit l’ancre remontée, une douzaine de marins dans la mâture, les autres sur le pont et les plus grandes voiles déjà à moitié gonflées par le vent.
Elle estime la distance et la vitesse, quatre cent toises pour atteindre la mer, cent de plus pour le navire, cinquante de plus car il bouge.
Elle sort sa cape et son nécessaire de couture, s’assoie en tailleur et en quelques gestes vifs et assurés, coud les talons de ses sandales dorées au bas de sa cape espacés de quatre pieds, serre les extrémités dans ses mains se relève, s’enroule dans sa cape. Elle vise le navire, saute en avant de plus de vingt pas. Le promontoire fatigué par les éléments s’écroule sous l’intense pression et tombe aussi vite qu’elle.
Elle se replie, penche la tête vers le bas, affine sa trajectoire. Quand le vent rugit dans ses oreilles, elle a franchit deux cent toises de dénivelé, elle écarte les bras, tend les jambes, contrôle sa trajectoire. Cent toises plus bas, à cette distance du faîte navire, double la longueur de ses bras et jambes, tend la toile comme des ailes de chauve-souris. Le rocher atteint l’eau dans un immense plouf détournant l’attention et les têtes des pirates. Elle vise la grand voile déjà bien gonflée par le vent, libère ses pieds peu avant la verticale du mât.
Sa cape claque verticalement quand elle touche le haut de la voile de ses pieds nus, elle desserre les mains, la cape se pose à l’abri en hauteur tandis qu’elle glisse dans le creux de la voile et arrive à la vitesse d’un cheval au grand galop, les deux pieds en avant dans le dos du pirate qui tient un poignard ensanglanté et aux pieds duquel gît Arthur dans une mare de sang. Le dos craque, le marin, brisé en deux est projeté contre le bastingage dont il emporte une bonne longueur en tombant à l’eau, inerte. la Dame allonge un bras jusqu’à un hauban, l’attrape, tourne au dessus de l’eau et se retrouve non loin d’Arthur près du gaillard d’arrière.
Un autre pirate se précipite vite auprès de Bertrand inanimé près du gaillard d’avant et lui applique son coutelas sur la gorge en défiant la Dame du regard. Elle le fixe en retour, sa gorge trémule, elle estime la distance pour un saut, dix à douze pas, à portée mais pas assez rapide pour sauver Bertrand. La boule dans sa gorge palpite au rythme de son pouls. Le marin la regarde d’un air mauvais, crispé sur son arme. Elle cherche l’avantage dans la surprise et suit son instinct de prédateur. Sans trop savoir, elle projette son corps en avant ouvre la bouche, expulse une langue fine terminée d’une boule collante, vient frapper le pirate au visage, l’assomme, d’une vive traction en arrière du cou et du buste le ramène à elle en ouvrant la bouche très grand. Avec l’élan il est avalé jusqu’aux chevilles et remplace dans son ventre le petit animal qu’elle avait projet de manger sur l’île afin de conserver l’usage de ses pouvoirs pendant toute la semaine de voyage, avoir des humeurs égales et un comportement agréable.
Alourdie, elle rejoint Bertrand en deux bonds lui secoue l’épaule sans succès, le ramène très rapidement près d’Arthur et le réveille avec un seau d’eau savonneuse. Il se réveille bien vite, cherche Arthur, le retourne à moitié et compresse fortement la plaie qui saigne très abondamment.
Bertrand : Ma Dame, comment êtes vous arrivé si vite ? Je nous ai cru perdus pour toujours. J’ai entendu les battements puissants des ailes de l’Ange vengeur. Arthur a perdu plus de la moitié de son sang, épongez le pont et faites lui boire son sang, vite puis mélangé à du vin. Le pont est propre, chaque jour lavé dès l’aube au savon noir, une habitude reprise sous les ordres d’Arthur ce qui je l’espère va le sauver
La Dame tout en épongeant et donnant à boire à Arthur : Je luis donnerais bien le mien si cela pouvait le sauver.
Elle court chercher une outre de vin.
Bertrand : Surtout pas, votre sang est une arme parmi les plus puissantes armes en ce bas monde, à égalité je pense avec vos sucs digestifs. Si j’arrive à arrêter le saignement, il reprendra des couleurs pendant la nuit. La plaie et trop étroite et trop profonde pour les cautères, et je trouve cette méthode barbare et peu efficace à long terme pour la guérison. Dès l’hémorragie étanchée, vous me prêterez vos aiguilles et vos mains habiles. Ce pirate fait preuve d’un manque d’hygiène éhonté. Son coutelas, retrouvé sur le pont, est noir de crasse ce qui n’est pas bon pour Arthur. La plaie profonde, six pouces à droite de l’épine dorsale, passant entre deux côtes doit toucher le foie et ou le poumon.
La Dame : Le coupable sert de pâture aux poissons et aux autres créatures de la mer. Je l’ai brisé en deux et il a coulé comme une pierre.
Bertrand : Nous avons été attaqué à cause de notre excès de confiance, deux hommes ne sont pas assez pour surveiller cinquante vils pirates. Depuis votre arrivée aussi rapide qu’inexpliquée, ils se cachent, le pont et la mâture sont vides, ce qui nous laisse le temps de soigner Arthur, mais il va nous falloir être plus ferme et écourter le voyage pour réduire le risque d’être trahi à nouveau. La cabine du capitaine servira encore d’infirmerie. Arthur est jeune et fort, d’une bonne lignée et de solide constitution. Il va être fiévreux quelques semaines. Nous nous éloignons de l’île, il faut mettre en panne et retourner à notre position
La Dame : je vais larguer les écoutes, récupérer ma cape que j’ai laissé en haut du grand mât. Je suis venue vite par les airs du haut de la falaise jusqu’au navire en planant comme un oiseau avec ma cape. J’ai tenté ma chance étant presque certaine de survivre à une chute dans l’eau de cette hauteur et j’ai compris comment les choses tombent et les animaux volent. (tout en abattant les voiles et en faisant demi tour) Ma cape a tenu le choc mais certaines coutures sont à refaire.
Bertrand : Lors de mes séjours à Venise, j’ai lu les écrits relatant les aventures de Marco Polo dans lesquelles on peut lire la description d’engin qui peut emporter quelqu’un dans les airs. Konrad Kyeser dans son Bellifortis, montre un cerf-volant, engin volant tiré par un cavalier.
Ils devisent tous les deux d’un ton égal pour ne pas céder à la panique tout en gérant le route vers l’île et ré-insufflant la vie dans Arthur.
Ils lui font boire son sang répandu au sol, pur dans un premier temps, mélangé à du vin rouge peu après, dont l’acidité empêche qu’il fige.
La Dame abat la brigantine franchit vite le tillac jusqu’au gaillard d’avant largue la biture. Le navire franchit une encablure sur son erre.
L’ancre ripe avant d’accrocher, le navire s’arrête brutalement, plus près qu’il n’est parti, l’étrave dans un banc de sable. l’équipage crie
Sur l’île Philippe et Frédérick entendent la cloche, montent en selle et galopent, traversent le plateau et descendent rapidement à la grève
Il renvoie son destrier vers Philippe qui, debout sur ses étriers, garde la grève épée au clair. Frédérick bande son arc, encoche une flèche
Frédérick voit disparaître par des sabords et autres orifices une multitude de têtes qui épiaient le pont. Il élève sa position et protège ses arrières tout en frémissant intérieurement de voir Arthur, ami d’enfance et suzerain gisant inanimé dans son sang. Il questionne Bertrand
La Dame descend l’escalier qui mène à l’entrepont, dans la lumière, sourit de ses dents blanches, élargit son sourire à deux pieds, passe longuement sa langue sur ses dents qui deviennent luisantes de salive. Elle avance, ils reculent en abandonnant leur armes, elle les ramasse. Elle les passe dans sa ceinture et avance, le navire est grand, garni de cachettes. À l’ouïe et à l’odorat elle en débusque plusieurs et leur soutire leur armes, les goûte d’un coup de langue, les laissant terrorisés, quelques uns catatoniques. Elle remonte enfin avec les armes. Elle dépose tout sur le pont, compte six douzaines d’armes dont une grande majorités de couteaux divers et quelques sabres ébréchés.
La Dame : Voici ce que j’ai trouvé sur eux et près d’eux.
Bertrand : Il n’y a rien de valeur mais tout cela présente un danger, jetez tout à la mer.
La Dame acquiesce, les prend par brassées monte sur le gaillard d’arrière et jette les armes vers le large une à une, en profite pour apprendre à jeter des couteaux. En deux tours les voilà débarrassé d’un danger. Elle retourne ensuite sur le pont assurer la protection d’Arthur.
Philippe, sur la grève, cherche une solution simple et pratique pour faire monter les quatre destriers à bord, il pense à la yole qui fixée sur le dos à la proue du navire ferait une passerelle rudimentaire. Après deux aller-retours, il se rapproche et s’adresse à ses camarades.
Philippe : Dès que nous serons prêts, je pense que nous pourrons faire monter à bord nos destriers par l’avant, la yole retournée servant de passerelle. Il nous faut faucher du fourrage.
Bertrand : pourquoi pas, il nous faut partir assez vite, Arthur a besoin d’un meilleur médecin.
Philippe : je n’ai pas vu la blessure d’Arthur, qui doit être importante puisqu’il a perdu conscience. Il est très résistant, je lui fait confiance pour être sur pieds dans quelques jours, vaillant autant qu’il faudra.
Bertrand : Qu’il en soit ainsi !
Frédérick : Arthur est solide.
Bertrand : Arthur est toujours inconscient mais il grelotte, signe que son corps se bat. Ma Dame, venez donc sous les draps avec lui pour le réchauffer, le temps que j’aille négocier avec les pirates anglais qui sont restés. Je vais être plus ferme. Plus tard vous leur ferez peur
Philippe restant aux abords de la grève, fauche et rassemble en botte, toute les herbes hautes qui lui semblent comestibles pour les montures. Il se déchausse et fait plusieurs aller et retour jusqu’au navire portant l’herbe sur sa tête jusqu’à la proue, qu’il finit par remplir.
Le reste de la journée se passe dans le calme, et quand le soir tombe Bertrand et la Dame portent Arthur jusqu’à la meilleure cabine du navire.
Bertrand : Arthur est fiévreux, il faudra le veiller cette nuit et j’ai bon espoir qu’il se réveille demain. Je n’ai plus qu’un morceau de savon d’Alep et les herbes que nous avons ramassées ensemble pour panser cette vilaine blessure. Je suis allé voir le chirurgien du bord quand nous avons pris le contrôle du navire, il n’avait rien de bon, de la charpie sale et du mauvais vin. S’il me restait encore des gérofles.
La Dame : j’ai des chutes de soie propre qui peuvent faire des pansements.
Bertrand : Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, le pigment qui teinte votre robe en vert est peut être toxique, et si le vert vous va bien, peu de nobles portent du vert, les fous, les acteurs oui.
Bertrand : Après cette folle journée, tachons de survivre à cette nuit et de garder le contrôle du navire. Les pirates qui se sont échappés vont revenir en force à la faveur de la nuit, ils sont armés contrairement à ceux restés à bord. Il faudra veiller sur Arthur et moi-même.
Philippe qui rangeait son herbe coupée : Je vais me reposer sur la grève avec nos destriers, Volpino, votre étalon, est rusé, Il porte bien son nom et a de l’expérience pour monter la garde. Il nous préviendra au moindre danger et me protégera le temps de d’être prêt au combat.
Philippe : Ma Dame, vous pouvez jetez tout ça, merci. Frédérick, tu as mis en fuite cette bande, je n’ai eu qu’à les faire continuer sur leur lancée, tu es fameux !
Ils repartent ensembles chercher les trois pièces de bois et reviennent chacun leur tour. Après un temps d’installation, la quille et ces morceaux d’accastillage forment une passerelle sommaire jusqu’au pont.Ils l’empruntent ensemble pour en tester la solidité. Philippe propose : Commençons par le plus calme des chevaux Quijote, finissons par le plus lourd, Volpino. Quijote monte le premier mené par Philippe. Ce dernier aide le destrier à franchir le bastingage et l’emmène jusqu’au milieu du navire près du capot qui permet de descendre le fret à la cale.
Bertrand, sort sur le pont, voit que tout danger est écarté et que ses compagnons ont profité de l’alerte pour prendre de l’avance pour faire monter les chevaux à bord sous la Lune. Il retourne prendre soin d’Arthur, et un peu de repos. les pirates s’agitent au bruit des sabots. La Dame garde l’accès à la cabine du capitaine et un œil sur l’escalier qui descend à la cale. Philippe et Frédérick demandent par geste aux marins de se rendre à la poupe dans la cale. Ils ont utilisé des cordes et des poulies pour descendre un à un les destriers, mis à la poupe. Le dernier cheval de guerre en position à l’arrière du navire, modifie l’équilibre, lève l’étrave qui se libère de la grève. Le navire est porté par les flots. Les deux chevaliers tirent sur la chaîne de l’ancre pied par pied, le navire recule et fait face au large et au flot. La Dame sonne la cloche du bord. Reposé, Bertrand, se présente avec le grand sabre en haut de l’escalier et appelle en anglais les pirates à monter sur le pont pour la manœuvre. Il donne la consigne de préparer les voiles pour un départ plein Est en direction du royaume d’Espagne.
Il se réveille dans la douleur, il a froid et faim. C’est la troisième fois en quelques jours qu’il perd conscience en habitant un autre corps que le sien. Tranché en deux et digéré dans un premier temps. Noyé, la cage thoracique défoncée dans un deuxième. Et pour finir les os des jambes percées d’une flèche. Il lui a été plus facile de contrôler ses supérieurs de l’inquisition pour prendre leur place qu’agir dans le corps de simple marins face à sa créature et quelques nobles. Heureusement que pour ce troisième voyage, cette métempsychose, cette transmigration de son âme et/ou de sa volonté, il avait exigé la présence de Symphorien. Ce dernier avait pour consigne de veiller sur son souffle, son pouls, le frictionner d’alcool toutes les heures, de le nourrir de lait de chèvre miellé et d’œufs battus et de le réveiller au bout de six heures.
Agir dans un autre corps à distance, c’est très fatigant. Mourir ou perdre connaissance dans un autre corps, est extrêmement exténuant. Il a pris trop de risques pour sa vie, a fatigué son cœur. Il réservera à l’avenir ce sortilège à des usages plus politiques comme installer à nouveau quelques archevêques à sa botte, faire empoisonner un pape et y installer à sa place l’empoisonneur. Ce souvenir le remplit de joie et il prend plaisir à en faire le tour pendant que Symphorien prend soin de lui. Cet homme dévoué au delà de l’imaginable a encore ancré en lui le concept de l’économie du salut et offre son temps et son abnégation à son service, croyant servir le bien et l’église malgré les jambes non humaines de son maître et les sortilèges et les tortures et toutes les ignominies dont il a été témoin.
Si il doit à nouveau habiter le corps d’un pirate ce sera un comme pour Baldassarre Cossa. Il en a fait un haut dignitaire de l’église, grimpé la hiérarchie jusqu’à cardinal, puis lui a fait empoisonner le Pape de Pise Alexandre V que l’inquisiteur avait pourtant fait élire pour déstabiliser les deux autres papes Grégoire XII et Benoît XIII, et ainsi obtenir plus de latitude et de pouvoir auprès de Benoît XIII. L’inquisiteur a fait élire l’empoisonneur avec le nom de Jean XXIII pour succéder à Alexandre V. Profitant des bons soins de son valet, il repense à sa vie passée.
Les souvenirs de réussite de ses plus belles machinations lui font plaisir et oublier un instant ses échecs cuisant et la douleur. Il doit faire confiance à son armée de mercenaires et d’officiers dévoués pour lui rapporter sa créature et clore cette histoire en faisant d’une part place nette où c’est nécessaire et d’autre part faire taire les témoins si possible définitivement.
Les deux premiers jours de mer avec le cap à l’Est Nord/Est se passent bien. Un deuxième contrat est pris avec les marins. Ils gardent le navire à la fin du voyage, Arthur et son groupe emportent les richesses. Ceux qui ne sont pas d’accord vont voir la Dame ou sauter à la mer.
Bertrand sort prendre l’air pour la première fois depuis le départ, il est immensément fatigué mais ses traits sont détendus. Il va s’asseoir dans l’escalier qui mène au château arrière ; s’éclaircit la voix et s’adresse à ses amis, faible, ils se rapprochent pour mieux l’entendre.
Bertrand : Mes amis, Arthur s’est réveillé, il a bu, mangé un peu, pris des nouvelles de notre situation, a plaisanté sur son état puis s’est rendormi. Je pense que ses jours ne sont plus en danger. Nous allons le veiller et l’aider à guérir le mieux possible. Il revient de loin.
Nous allons faire au plus vite pour accoster dans une ville amie.
Philippe : Si le royaume de Bretagne est trop loin pour Arthur, nous obtiendrons de l’aide auprès de mes amis d’Aquitaine
Bertrand : Laissons nous porter par le vent en direction de l’Est jusqu’à apercevoir l’Espagne.
Bertrand observant le ciel gris et bouché : La couverture nuageuse uniforme empêche de prendre des repères célestes, heureusement que ce navire est équipé d’une boussole. Frédérick, maintenez cap à l’Est est, avec votre bonne vue, surveillez l’horizon. Ma Dame, vous le relayerez pour la nuit.
D’ici là, voulez vous venir m’aider à soigner Arthur. J’ai trouvé dans la cabine du capitaine, un nécessaire de rasage assez complet muni d’une pierre d’alun. Broyer la finement, je vais en saupoudrer la plaie d’Arthur afin de l’assainir, réduire l’enflure et stopper le sang.
Nous allons suivre les enseignements de Dioscoride et de Pline l’Ancien. Je n’ai jamais traité de cette façon une plaie si profonde, encore moins quand elle est causée par un objet immonde. Nous allons tout mettre en œuvre pour soigner Arthur. On baignera la plaie d’eau de mer. L’idée est de faire durer cet alun jusqu’à ce que nous trouvions de l’aide à terre.
Plus tard en travaillant aux soins dans la cabine : Je vois que votre tour de taille diminue et je profite pour vous remercier encore et de vous féliciter et de m’étonner de la façon dont vous nous débarrasser de nos ennemis les plus dangereux. « Tout fait ventre, pourvu que ça y entre. »
La Dame : Manger entier un animal vivant par semaine m’est nécessaire, le capitaine et le marin ont fait l’affaire, l’un et l’autre étaient, tant répugnant au goût que dans leurs manières.
Bertrand : Pour finir avec un proverbe « Un morceau avalé n’a plus de goût ! » Vous avez mon assentiment pour avaler ou croquer toute personne ou créature qui menacerait la vie d’Arthur, de Frédérick, de Philippe ou de vous même. D’un point de vue moral, évitez d’y prendre goût, afin que vos appétits ne vous entraînent vers des innocents et que l’histoire fasse glisser votre rôle du camps des héros vers celui des monstres.
La Dame : Je ne saurais dire si c’est à cause des vêtements, de la taille ou de l’hygiène mais je préfère les petits animaux dodus.
La Dame ouvre les trois sabords, qui servent de fenêtres à la cabine du capitaine pour chasser les relents de maladie et apporter plus de lumière. Au jour, la plaie est assainie en surface, et offre des bords sains et roses, et quand l’atmosphère est renouvelée, l’odorat extrêmement développé de la Dame trouve la blessure beaucoup moins malodorante.
La Dame : Je pense que cette matière va le sauver. Depuis que j’ai renouvelé l’air, je perçois qu’Il sent beaucoup moins mauvais. il n’a plus ce parfum doucereux d’animal mort ni ce fumet de repas dégorgé.
Bertrand : La pierre d’alun a beaucoup d’usages, tant pharmacologiques que artisanaux . Certains s’en servent aussi pour frelater le pain ou le vin, empoisonnant parfois ceux qui les consomment. Dioscoride le préconise aussi aux femmes pour recouvrer un semblant de virginité. Pour ma part, je suis persuadé qu’aucune d’entre elles n’a réellement besoin de cet usage de l’astringence et surtout pas vous quelques soient vos projets. Pour l’Histoire et dans la Bible, il y a souvent une erreur de traduction de l’hébreu au grec, la nullipare devient vierge.
Bertrand et la Dame poursuivent les soins sur la blessure d’Arthur et le nourrir un peu. Philippe vient les voir.
Philippe : Je vais dans la cale m’occuper des chevaux, protégé par Fréderick.
La Dame les suit jusqu’en haut de l’escalier, au plus près pour protéger ses quatre amis.
Philippe se rend compte qu’avec un homme valide de moins, il faut être plus vigilant et la sécurité de tous est plus difficile à assurer face aux pirates. De plus la force morale d’Arthur est un atout précieux, le voir ainsi diminué atteint ses propres forces mais il garde espoir. Il prend soin des destriers, laissés livrés à eux même de longues semaines. Il passe un chiffon imbibé d’huile de laurier sur les sabots, en aplani le dessous avec son rogne pied et sa râpe, dans l’objectif de les ferrer de neuf avant l’accostage. Il les panse, vérifie les plaies occasionnées par les morsures des chauve-souris sur l’île. elles cicatrisent vite grâce à ses soins. Poser des fers neufs est ce qu’il y a de plus prudent. Il avait forgé un jeu de fers par monture au service de Bertrand au début de l’été, pour avoir du rechange dans les fontes. Il avait gagné en maitrise de la forge en réussissant ses premiers fers tout pieds mobiles, un par monture. Il a choisi d’apprendre le métier de chevalier, pour y exceller de connaitre tous sur les destriers, y compris en prendre soin complètement, sa force et maitrise de l’épée, ainsi que de la lance d’arçon dissuadait la plupart d’attenter à son honneur en le traitant de palefrenier. Et c’est dans cette première aventure, sa première quête véritable, que son savoir et ses techniques servent la cause pour laquelle il s’est engagé, cette quête réussie.
Philippe avait ôté les fers des destriers avant de les laisser en liberté sur l’île. Ces fers usagés sont réutilisables après être passé par une forge pour les rénover. A bord, il n’y a plus de charbon de bois et les outils présents sont très rudimentaires et en mauvais état. Des fers neufs pour chaque monture est plus prudent car dès le débarquement, il faudra faire vite, si la zone est contrôlée par des forces hostiles. Le temps de s’arrêter changer un fer pourrait les mettre en danger ou les faire capturer. Philippe a appris à craindre l’inquisition.
Frédérick, immobile l’arc en main et flèche encochée, laisse Philippe seul avec ses pensées pendant qu’il panse les destriers. Il constate qu’ils ont bien profité de cette herbe grasse, bien à l’abri pendant que les quatre chevaliers couraient l’aventure souffrant de faim et soif.
Frédérick à Philippe : Il est malheureux que nos chevaux soient si pleins de santé quand Arthur lutte contre la mort après cette bien vilaine blessure.
Philippe : Il est vrai, mais puisque tu le dis, ces nobles destriers emplis de fougue et de force peuvent les partager à Arthur.
Il hèle la Dame, puis lui demande de faire venir Bertrand avec les instruments nécessaires à récolter du sang de cheval. Bertrand devine l’idée, regrette de n’y avoir pas pensé et s’exécute avec un regain d’énergie, fait le chemin avec des lancettes et un cruchon plein de vin .
La Dame s’adosse à la porte qui protège Arthur, surveille d’une oreille sa respiration difficile, de l’autre suit l’activité dans la cale, embrasse du regard tout l’avant du navire, guettant les éventuelles actions hostiles des trois douzaines marins qui continuent à la craindre.
Bertrand : Mes amis buvez ! Je vous félicite pour cette idée, j’étais tant préoccupé à soigner cette mauvaise blessure que je n’ai pas pensé à soutenir la santé de notre ami. Si Arthur le supporte, nous allons lui donner la vigueur de ces fiers animaux deux fois ou trois par jour. Philippe, vous rassurerez et vous tiendrez le destrier, Frédérick, vous tiendrez ce cruchon avec un fond de vin au dessous du jet de sang qui va battre. Je ferais l’incision sur la veine du cou, prenant garde à le blesser le moins possible. On commence par Crédo, puis Quijote, ensuite Cortès, on terminera par Volpino. Ne vous inquiétez pas, ils possèdent chacun le poids d’un homme comme masse sanguine et le régénèrent vite. Nous sommes fatigués, eux débordent de vitalité. Avec les évènements récents, nous allons en boire tous car je m’attend au pire.
Bertrand procède avec délicatesse, dans le respect de l’animal et de son intégrité physique et la cruche se remplit. Il compresse ensuite la petite plaie quelques minutes, puis est remplacé par Philippe. Bertrand remplit deux bols pour ces amis, remonte pour faire boire Arthur.
Bertrand fait boire son patient par petite gorgée et ce dernier reprend peu à peu des couleurs. Arthur a perdu sa voix forte habituelle mais sent un peu de la vigueur du puissant destrier couler en lui.
Arthur : je me sens faible comme les chauves-souris que nous avons éliminés. Comme elles, me voilà réduit à boire le sang de Crédo pour assurer ma subsistance.
Bertrand : Votre destin est autrement plus grand, et vous avez déjà sauvé le futur du Monde. Ce n’est que le temps de vous rétablir. Vous rejoindrez Suscinio où meilleurs banquets vous attendent.
Bertrand boit la fin du récipient et sent peu à peu la fatigue des derniers jours s’amenuiser. Les deux restés à la cale remontent avec leur bols vides et reprennent leur poste. Frédérick en vigie, annonce deux ailerons qui dansent dans leur sillage, redescend proposer une pêche.
Bertrand, intrigué, quitte la cabine du capitaine et observe les poissons : Je m’y oppose pour plusieurs raisons : c’est un couple d’espadons et si nous tuons l’un des deux, l’autre se tuera en essayant de nous couler. Il foncera sur nous deux fois plus vite qu’un cheval au galop et son rostre à cette vitesse peut nous occasionner une voie d’eau qui nous ralentirait fortement. Et les marins pourraient profiter de la pêche ou de la voie d’eau pour reprendre le contrôle du navire. Je suis souvent d’accord pour améliorer l’ordinaire mais il faut faire vite.
Frédérick : Je comprends. L’occasion est trop belle, mais nous ne sommes pas à une partie de pêche, il faut rentrer vite pour soigner Arthur. On se contentera d’ordinaire et du sang des chevaux.
Bertrand : Je suis heureux de constater que vous faites preuve de sagesse aujourd’hui.
Le lendemain midi, Arthur se lève un peu, fait quelques pas et prévoit de se lever deux fois par jour pour estimer leur position en observant le ciel et ajuster la route. Le vent Mollit, Bertrand ordonne en anglais de déployer plus de voilure pour maintenir l’allure du navire.
Le navire fait routes deux jours de plus plein Est. Les marins se tiennent tranquille ayant peur des chevaliers et surtout de la Dame. Au soir, une douzaine de marsouins jouent autour du navire, deux d’entre eux disparaissent et refont surface avec un poisson vivant dans la gueule, les lancent chacun leur tour en direction du pont. Les poissons, se tordent en l’air, rebondissent tour à tour sur le pavois et la lisse, retombent à l’eau. Les deux marsouins disparaissent à nouveau quelques minutes. Un vent de superstition gagne les marins devant ce phénomène.
Les marsouins qui restent en surface, plus jeunes, moins sages, jouent dans l’écume des vagues, dans le sillage du navire, dans celui des uns et des autres, et à passer vite sous la coque. Les plus hardis tentent de lancer un poisson en l’air vers le pont, mais pas assez haut. Frédérick observe la scène, aussi bien les marins apeurés que les jeunes marsouins, appelle Bertrand, et voit au loin deux gros spécimens rattraper le navire, avec sa vue d’aigle, il distingue des proies dans leur museaux. Bertrand arrive sur le pont, bientôt rejoint par la Dame.
La Dame : Je mangerais cette bête demain, au petit matin.
Le premier commence : Je trouve Bertrand fatigué. Malgré son âge, il a tout supporté sans faiblir, il était la plupart du temps plus robuste et vigoureux que nous, mais depuis quelques jours je le trouve las.
Le second répond : il a frôlé la mort plus que nous, il a été attaqué comme Arthur par les marins, ce dernier était plusieurs jours entre la vie et la mort et n’est pas encore tiré d’affaire. Bertrand nous a emmené avec lui dans cette quête pour détruire le grimoire. C’est une lourde responsabilité que de sauver le monde d’un péril futur, c’en est une autre de voir mourir ses élèves, ses amis devant ses yeux. Cette quête qui s’éternise est un fardeau même pour le plus aguerris.
La Dame rejoint Bertrand au chevet d’Arthur. Elle trouve que le médecin a les traits plus tirés que le patient. Arthur va mieux, il l’accueille d’un sourire, fait quelques pas, remue son épaule droite prudemment puis remet son bras en écharpe.
Bertrand : je vais à la barre relever Frédérick et lui permettre de continuer la préparation de notre festin.
La Dame le suit après quelques sourires à destination d’Arthur.
Arrivés sur place, elle interroge Bertrand : Vous qui avez si bien résisté jusque là, je vous trouve fatigué. Je ne suis la la seule à vous trouver las et à m’inquiéter. Nos valides compagnons se sont aussi.
Bertrand répond : L’aventure paraît parfois facile dans les livres et les chansons, mais quand elle dure comme la nôtre, elle nous éloigne du confort et des joies de la civilisation.
Je suis habitué au confort simple d’un monastère et d’un château, ou d’une bonne auberge. Le plaisir d’un bain chaud comme on peut en prendre dans les villes hanséatiques. Des latrines bien conçues comme celle de l’abbaye de Royaumont ou celle de Maubuisson. Le choix de livres d’une bonne bibliothèque, des sculptures, des architectures, une cuisine variée et copieuse, une femme aimante, douce et chaude, voici tout ce que j’appelle de mes vœux, tout ce qui me manque. Mais nous avons réussi et dès nôtre retour tout ceci sera la récompense de notre succès. Notre aventure se prolonge, bien au delà des deux semaines prévues, la civilisation et les arts me manquent. Presque trois mois sans visiter une cathédrale, admirer des sculptures, me plonger dans un bon livre. Ma vie d’ecclésiastique, de lettré, m’a laissé avec un appétit pour le beau, pour l’art sous toutes ses formes. Cette faim inassouvie se rajoute à la fatigue du voyage et des privations physiques. Et comme dit Sénèque, ceux qui renoncent sont bien plus nombreux que ceux qui échouent. Et nous avons réussi ! Le véritable courage est la conséquence d’un acte de volition raisonnée, lucide et librement entrepris, au risque de sa propre vie. Dans notre quête, je me dois de, comme Dédale, prescrire une voie du milieu, ni trop près du soleil fondre la cire, perdre les plumes ,ni trop près des flots qui les alourdiraient d’humidité. Il nous faut trouver le juste milieu entre la prudence et la témérité pour avancer dans notre quête. À la façon dont vous me questionnez sur ma santé aujourd’hui, ainsi qu’à la façon dont vous avez pris soin nous dans notre aventure, on ne peut pas douter que vous ayez une âme. Une âme humaine peut être ? Pourtant vos pouvoirs dénoncent une ascendance non humaine. Quand on regarde vos divines proportions, on a la preuve irréfragable de l’existence des dieux. La beauté est d’ascendance ou d’inspiration divine. Il m’est difficile de ne pas attarder mon regard sur la vision que vous proposez. Surtout avec la pénurie d’autres beautés que je viens d’évoquer. Vous auriez pu inspirer Phidias, Praxitèle et Polyclète pour leurs plus belles œuvres. Un bon diner fera du bien à tous, voir la côte ce soir me rassurera et apaisera ma nuit.
Pendant le monologue de Bertrand, la Dame se débat avec sa proie, en étant attentive à ce qu’il construit comme un discourt.
Bertrand, associant le geste à la parole : Prenez ma miséricorde, vous pourrez clouer l’animal jusqu’à demain, piquez le dans le manteau entre deux bras. Ici sur le gaillard d’arrière, il y aura toujours l’un d’entre nous, pour éviter que les pirates nous volent l’arme ou l’animal.
La Dame : Merci, le savoir attaché, va me libérer les bras et me permettre d’être utile demain quand je l’aurais mangé. Elle cloue l’animal à deux pas de la barre.
La Dame : Cet animal est très bizarre, il prenait tout à l’heure la couleur de ma robe et de ma peau, maintenant celle du bois du navire et son sang est bleu et d’une odeur différente des autres animaux.
Bertrand : C’est un être étrange qu’on pourrait croire issu d’un autre monde. Comme vous lisez le latin, quand nous aurons rejoins la civilisation, je vous proposerai l’Histoire Naturelle de Pline l’ancien. Dans son livre IX, il recueille beaucoup d’informations sur les animaux aquatiques, et contient de nombreuses informations et anecdotes sur les poulpes.
Bertrand dirige son regard vers le soleil qui commence à effleurer l’horizon, teintant la mer et leur sillage de rouge et d’orange. Le vent forcit légèrement, accélère doucement l’allure du navire.
Bertrand : Regardons au loin, si notre route a été bonne, nous devrions apercevoir les côtes du royaume d’Espagne. Il nous faudra prendre un point de repère à terre tant que le soleil nous éclaire, tenir le cap toute la nuit pour accoster au matin. Dans la pénombre nous devrions observer les montagnes encore éclairées.
Il scrute l’Est en vain en gardant ce cap.
La Dame fait un tour d’horizon, dans un premier temps, n’aperçoit rien d’autre que des oiseaux de mer et des animaux aquatiques. Ensuite elle distingue à peine trois points rouges au Nord. Elle les voit ensuite plus nettement et les indique à Bertrand qui ne voit rien. Ce dernier convoque ses amis sur le Gaillard d’arrière pendant que la Dame garde les yeux rivés sur les points rouges. Philippe aide Arthur à monter, Frédérick rapporte un chaudron fumant et du pain.
Bertrand : Messieurs, la Dame nous a trouvé ce que je pense être des navires qui font route vers nous.
La Dame : Par ici, au Nord. Ils tressautent à l’horizon, si se sont des navires, leur vitesse est grande car je les vois grandir à vue d’œil.
Bertrand : C’est peut être un danger. Je vais donner l’ordre de forcer l’allure, il reste des voiles à poste qui ne sont pas déployées.
Bertrand donne ses ordres en anglais, les marins s’activent sous la menace d’un abordage. Chacun essaie de scruter l’endroit qu’elle indique, Frédérick le premier, distingue un puis trois points rouges.
Frédérick : Je vois bien trois points, l’inquisition nous a envoyé trois navires rapides et c’est peut être ceux là.
Arthur : nous ne pouvons pas prendre ce risque, nous sommes sur un navire anglais, un navire pirate, une interception causerait notre perte, j’espère que le vent ne mollira pas avant le matin. Voyez la côte vient d’apparaitre là bas. Visons au plus court, au matin nous trouverons une plage accueillante ou mieux un port tranquille pour accoster, qui faciliterait le débarquement de nos destriers. Le cap est pris, nous atteindrons bientôt notre allure maximum. Profitons de ce festin, il n’y a rien de plus à faire.
Pendant leur repas, les héros observent les navires grandir, et bientôt pour les bons yeux de Frédérick, le doute n’est plus permis, ce sont les mêmes qui ont accosté l’île
La Dame pensive, observe son poulpe et réfléchit à la manière de tirer parti de ses pouvoirs pour débarquer.
La Dame, à la fin du repas : La côte se rapproche. Reposez-vous, dormez, je tiendrais le cap toute la nuit et vous réveillerai pour vous donner à choisir le lieu d’accostage. Les navires ont perdu du temps à changer leur route pour tenter de nous intercepter. la côte se rapproche.
Ne vous inquiétez pas, manger cette créature suffira à me donner toute la vigueur dont j’aurais besoin pour vous aider.
Arthur : Vous nous avez veillés souvent et sauvés plusieurs fois, nous dormirons sans appréhension.
La Dame : Je sonnerai la cloche du navire au lever du jour.
Ils passent la nuit rassemblés dans la cabine du capitaine. Elle veille sur eux, ajustant parfois légèrement le cap pour mieux prendre le vent. Les navires poursuivant réduisent peu à peu l’écart. Elle envisage plusieurs méthodes pour débarquer en sécurité ses amis et les chevaux. Quand elle voit poindre le petit matin blafard, une ondée tombe sur le navire, le froid la fait frissonner, signe que ses pouvoirs s’estompent et que l’étrange vitalité qui l’anime ne la protégera bientôt plus. Elle déballe et enfile sa cape qu’elle avait pris soin de réparer. Sa courte tunique de soie verte n’est pas suffisante pour la réchauffer cette automne. Elle claque des dents avant que sa cape chaude ne fasse effet, regarde le poulpe qui avec la pluie a cessé de se débattre, décide de patienter un peu avant de le manger et l’arrose d’eau de mer.
Elle a déroulé en imagination une scène de débarquement, vérifié sur le pont que ses actions sont possibles et que la trappe de chargement est assez grande. Quand le soleil se montre au dessus de la côte espagnole, elle est sûre de son plan. La Dame arrose l’octopode, arrache la dague qui le clouait au pont, prend garde au bec cornu, se débat avec difficulté contre huit bras bien décidés à ne pas se laisser faire. Elle réussi à mordre un tentacule, elle le croque, mâche, sent la vigueur couler en elle, récupère la force de lutter et englouti l’animal.
Pendant qu’elle avance vers la cloche, emplie d’une vitalité retrouvée, les marques de lutte et les traces de succion laissées par l’animal disparaissent.
Une brume de mer s’est levée dépassant le mât mais le ciel est clair presque sans nuage et le soleil apporte une bonne lumière. Elle se ravise et va réveiller ses compagnons plus discrètement, pensant tirer parti du brouillard pour échapper aux trois navires de l’inquisition. Elle les réveille d’une parole douce, d’une pression sur l’épaule et leur expose ses idées pour prendre l’avantage sur l’adversaire.
La Dame : Messieurs, j’ai beaucoup réfléchi pendant la nuit et j’ai fini par trouver une méthode pour vous permettre de débarquer vite à cheval. il nous faut une petite plage ou une crique.
Philippe : Vous voulez nous échouer et ouvrir un passage dans la coque du navire. Il y a au moins six pouces d’épaisseur de bon bois de chêne, impossible sans un bélier puissant ou une armée de bucherons.
Arthur : Lever les destriers au palan prend trop de temps mais nous en avons besoin pour partir vite au galop pour éviter la capture par les hommes de l’inquisition.
La Dame : Je m’occupe de cela , préparez-vous pour une charge héroïque digne des histoires et chansons que vous avez évoqués pendant nos veillées autour du feu, c’est la victoire que je vous propose pas comme à Crécy. Nous passerons à travers les rangs de ceux qui nous attendent. Revêtez vos armures, préparez vos armes, vos boucliers, trouver de quoi faire des lances d’arçon, harnachez et sellez vos chevaux. La surprise est à notre avantage et j’ai préparé la mienne. Ce brouillard de mer nous protège, je vais monter en vigie voir la côte pour vous guider.
Arthur : Le capitaine possédait un bouclier normand en forme d’amande, en peuplier, dont le contour est ferré solidement, il me protégera et remplacera mon écu d’acier qui a été brisé par un grand mort qui marche. Le blason fera diversion plus tard. J’en fais une prise de guerre. Bertrand, aidez moi à consolider mon épaule et à donner la force à mon bras de tenir la lance pour la charge héroïque qui nous est demandée, Soignez moi sur le château arrière, pendant ce temps je commanderai la manœuvre à nos marins anglais qui ne seront pas en reste cette fois.
Philippe et Frédérick descendent à la cale pour nourrir les destriers, terminant la provision d’herbe coupée, accompagnée de pain noir. Ils les abreuvent avec un grand seau d’eau chacun avec une demi pinte de la bière trouvée à bord. Ils en profitent pour réveiller les marins. La Dame monte en vigie, s’accroche au mât, agrandit son tronc et ses bras jusqu’à ce que sa tête sorte du brouillard, trouve droit devant un village à flanc de colline flanqué à droite d’une plage. A bâbord une presqu’île s’avance dans la mer vers le Sud. La Dame choisit la plage et indique le cap de la voix et du bras qu’elle fait descendre sous la gabie pour le rendre visible d’Arthur. Un jeune gabier, surpris par ce membre long de plus de douze pieds, crie et dérape de la vergue et se rattrape à mi hauteur dans les haubans. Arthur est surpris lui aussi. Il ajuste néanmoins le cap, fait maintenir l’allure en donnant des ordres aux marins dans la mâture. Bertrand a attaché des courroies de cuir à son armure pour tenir son bras droit le long du corps et porter le poids à sa taille et à l’épaule gauche plutôt qu’à l’épaule droite.
La Dame fait un tour d’horizon au dessus du brouillard, voit des sommets de mâts progresser vers elle à deux et trois encâblures entre la poupe et bâbord. Au sommet des mâts, elle aperçoit les oriflammes de l’inquisition. Au loin elle entend des échanges en anglais sans les saisir. Le plus proche d’entre eux, commence à ralentir, accompagné par les deux autres. Le promontoire derrière elle, la Dame navigue à bonne allure, émergeant d’une mer de brume, annonce qu’il faut ralentir quand la plage est à quatre encablures.
La Dame : Préparez vous à jeter l’ancre.
Une brise de terre arrive vers elle, apporte des fragrances multiples, et réduit la densité du brouillard. Quand elle aperçoit le bord de la plage léché par les vagues, elle lance : Jetez l’ancre maintenant et virez sur bâbord Et saute du haut du mât, freinant dans les cordages.
La Dame : Je perçois l’odeur de plus d’une centaine d’hommes, ainsi que celles de l’acier huilé et du cuir graissé en quantité. Je ne perçois le fumet que de quelques chevaux donc vous passerez facilement au triple galop et je vous rattraperais. Je descend m’occuper des destriers. La Dame ouvre la trappe d’accès, saute à la cale. Elle approche de Volpino et Crédo, les tire sous l’ouverture d’où elle vient de descendre, malgré leur réticence, passe entre eux, retourne leur selle vers le bas. L’attitude de leurs oreilles montre l’agacement, Crédo tape du pied. Sur la pointe des pieds, en équilibre sur la quille, elle allonge les bras, passe par dessus les dos et les serre contre elle et plaque ses mains sur l’assise des selles. Elle allonge les jambes suffisamment pour passer par l’ouverture, pose les chevaux de chaque coté sur le pont. Frédérick et Philippe abasourdis, puis interloqués les éloignent. la Dame redescend et fait la même chose des deux derniers destriers. Les quatre héros sont prêts, armurés et équipés, Philippe et Frédérick accrochent les fontes aux selles et arriment leur bagages. Arthur commande aux marins quand l’ancre termine de les ralentir et que l’étrave se plante dans le sable, le coté tribord donnant une large vue sur la plage. Trois douzaines d’arbalétriers en armure de cuir se déploient pour former un grand arc de cercle. Il plantent chacun un piquet dans le sable et y fixent leur pavois et rechargent leur arbalètes derrière, dans un concert de cliquetis. La Dame sort ses dagues, confie sa ceinture, ses sandales et son baluchon à Arthur.
La Dame : Je débarque à tribord et j’essaie d’en mettre en fuite un maximum, vous débarquez à bâbord et partez au grand galop vers ce chemin à gauche de la plage, qui doit mener au village et surement vers une route. Je vous rattrape vite.
Bertrand : Je pense que nous ne sommes pas loin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Nous pourrons y trouver de l’aide et nous mêler aux pèlerins.
Arthur : Prenez soin de vous et ne risquez pas votre vie. Sortir vainqueurs de cette histoire en vous perdant ne serait ni bon pour notre moral, ni pour notre gloire.
La Dame : Soyez sans crainte, je pense être née ou conçue pour ce genre d’actions. Ce sont eux qui auront peur !
La Dame étire de six fois sa hauteur, se retrouve trois fois moins large, deux fois moins épaisse, finit par se débarrasser de sa robe qui la gène, qui ne couvre plus rien, mais n’ayant presque plus rien à couvrir. Seuls sa tête et son visage et son cou ne sont pas transformés.
Bertrand, citant Hérodote : Les femmes laissent tomber leur préjugés en laissant tomber leur chemise.
Elle s’accroche au grand mât à la jonction des deux troncs qui le constitue, le visage à trente pieds au dessus du pont, rétablit son équilibre et lance sa tunique à Bertrand.
Elle saute à la mer, court gauchement dans l’eau sur la pointe des pieds. La plupart des arbalétriers poussent des hurlement de terreur en tirant. Des cornes et des trompes retentissent. La majorité des carreaux finissent dans la coque du navire, la Dame reçoit deux estafilades au bras et la jambe, et un carreau dans le cou qui disparait rapidement en fumeroles. Les héros sautent à la mer à bâbord sur leur chevaux, le navire les protège, et l’eau les accueille sans heurt. La Dame, une dague au bout de chacun de ses bras de treize pieds de longs, charge en direction des arbalétriers qui rechargent dans la panique. Les deux soldats vers qui elle fond s’enfuient en hurlant, lâchant leur arbalète. Les quatre héros sortent de l’abri que leur offre le navire, galopent droit vers le chemin, lances en avant, dispersant les mercenaires.
Arthur, malgré la fièvre, soutenu par les courroies de cuir, tient bon, brise sa lance improvisée sur l’arbalétrier le plus rapide, déjà prêt à tirer. La Dame ignore ses blessures et rejoint rapidement le cordon de buissons qui borde la plage, dont détalent comme des lapereaux une centaine d’hommes d’armes, lâchant tout dans leur affolement qui se propage plus vite qu’un feu d’huile bouillante. Beaucoup se heurtent pour fuir et le fracas des armures se mêlent aux cris d’horreur. L’officier monte sur son cheval pour être visible de tous mais n’arrive pas à réduire l’ampleur de la débandade, malgré ses ordres criés à plein poumons. Il croit reconnaitre l’identité de la créature qui les attaque, puis en en a la certitude lorsqu’il reconnait Arthur de Richemont et ses trois compagnons lancés au galop contre ses meilleurs hommes.
Dans le brouillard qui se dissipe, les trois navires arrivent à mi vitesse presque de front dans la moitié nord de la crique qui donne sa forme à la plage. L’empressement des capitaines est plus fort que la prudence des vrais marins. Deux grands fracas puis un troisième annoncent l’arrêt des vaisseaux contre des écueils qui défendaient cette partie de l’anse à cinq encablures de la plage.
Des cloches sonnent, des archers sont mis en position, des chaloupes sont mises à l’eau, mais la distance est bien trop grande. L’empressement des capitaines s’est mué en échec cuisant, en rage et surtout en peur contre leur chef qui le leur fera certainement payé cher. Ils donnent des ordres pour tenter de sauver leur mission et leur vie pendant que les héros franchissent au galop sur le sable humide, le tiers de lieue pour atteindre le chemin.
L’officier, à la lisière de la plage, ne s’arrête pas sur l’échec naval, appelle les deux acolytes qu’on lui a confié, leur demande de préparer leur engin de mort. Les deux orientaux, habillés de couleurs vives de soie brodée, s’exécutent avec une extrême rapidité, déballent et mettent à poste un tube à feu supporté par un piquet fiché dans le sol. L’officier avait dirigé l’entrainement sur des mannequins en bois, paille et cire à l’échelle de sa cible. On lui a confié une sphère de métal étrange que l’arme doit propulser dans le corps de la créature pour la paralyser.
Ce tube long de cinq pieds est juste assez large pour accueillir ce projectile de deux pouces. La force de la déflagration initiée par le feu est impressionnante et le vacarme l’a fait sursauté plus d’une fois. La sphère doit pénétrer par le ventre, près du nombril et s’arrêter contre les os du dos. Si le projectile ne ressort pas, la paralysie sera permanente facilitant la capture de la créature de façon peu honorable. Cette dernière lui a sauvé la vie mais la réussite de sa mission mettra fin aux menaces sur sa vie et les siens que profère son maître.
Mais les mannequins à son effigie faisaient cinq pieds et demi de haut, sa cible mesure à présent plus de trente pieds et court parmi les soldats pour les effrayer. Aucun plan ne résiste à son application sur le terrain. Il a, malgré tout, confiance dans l’excellente habileté au tir de ses deux hommes.
Quand elle court presque face à eux, à soixante pas, il ordonne le tir, il voit le sang jaillir au bord du nombril, et une gerbe de sang luire au soleil derrière elle dans l’axe du tir, accompagnant sans doute le précieux projectile qui n’a pas su rester dans un corps si maigre. Abasourdi par la déflagration, l’officier réfléchi, guette du regard le projectile et l’attitude de sa cible. Elle s’arrête le temps de quelques battements de cœur, ses mains diablement longues plaquées sur les trous qui mutilent son corps puis s’enfuit vite dans l’autre sens. Il cherche l’endroit ou le projectile a touché le sol. Avec lui il pourra faire plusieurs tentatives. Si il ne ramène pas la créature, si il ne rapporte pas le projectile de métal stellaire, son maître le fera tuer de manière douloureuse, horrible et cruelle ainsi que sa famille.
Pendant qu’elle s’enfuie, la Dame prend conscience de tous les processus qui ont eu lieu en elle après que l’arme étrange l’a perforée. D’habitude, elle craint peu les armes et les blessures qu’elles peuvent lui faire guérissent vite, mis à part l’épée du paladin très désagréable. La boursouflure de sa chair meurtrie est liquéfiée par son sang acide, qui, chargé de tout ce qu’il doit éliminer, s’écoule par les deux orifices de la blessure, la débarrassant en même temps de la substance étrangère qui a causé sa paralysie. Le fait de ne plus pouvoir bouger entourée d’une centaine de soldats en arme paniqués lui fait prendre conscience de sa fragilité. Tout un tas de scenarii détestables ont envahis son esprit pendant le court instant de sa paralysie. Dès qu’elle est terminée, elle s’enfuit à toute jambes du haut de ses trente pieds. Passant par dessus une rangée de arbrisseaux, elle tombe sur un bivouac, protégé du vent de mer. Elle attrape une chemise de lin qui dépassait d’un sac à dos, ramasse une couverture de laine et part se cacher derrière un arbre plus grand qu’elle. elle reprend sa taille normale. Elle enfile la chemise, puis raccourcit le bas de quatre pouces pour s’en faire une coiffe en repensant aux conseils de Bertrand. D’un coup de dague, elle fend le milieu de la couverture grise, y enfile sa tête, y découpe sur l’avant deux bandes latérales pour emballer ses pieds. Avec de petits bouts de brindilles de bois vert en guise de fibules, elle attache les deux pans de la couverture sur ses flancs sans trop marquer sa taille. La Dame déchire l’ourlet de la chemise pour s’en faire une ceinture, emballe sa chevelure et sa tête avec le reste d’étoffe. Elle enroule ses pieds dans les morceaux de couverture et va les tremper dans une flaque de boue proche puis lisse l’ensemble du plat des mains jusqu’à faire une imitation acceptable de chaussures. La Dame a guetté les bruits et les vociférations des hommes pendant sa couture.
L’officier a donné des ordres et offert de l’or à qui trouverait le projectile. Il a fait calmer les chevaux terrifiés par la détonation, harangué et tenté de rassembler les hommes pour partir chasser le monstre. Elle hume l’odeur de la peur, sait que la terreur les domine encore. Elle rassemble un fagot de branches mortes pour y dissimuler ses dagues et prend le chemin du village, reste dissimulée par la végétation. Ses amis sont loin devant mais elle saura les retrouver grâce à ses sens surhumains. En entrant dans le bourg, elle n’attire pas l’attention. Sa blessure qui ne suintait presque plus quand elle s’est habillée, ne la fait plus souffrir quand elle aborde le village. Ses chairs se sont régénérées et ont pris place dans la large cavité laissée par le projectile. Reprendre une taille normale a permis d’accélérer la guérison en aplatissant la plaie. Elle quitte le hameau en suivant la piste olfactive des destriers et les traces de leurs fers sur le chemin boueux. Le mouvement de ses membres lors de la marche cause moins de tiraillements ou d’élancements. Elle lâche son fagot et accélère tandis son corps termine de guérir. Elle garde son ouïe aux aguets, entend des cris, la terreur a fait place à la joie quand un objet est retrouvé. Elle entend les ordres de l’officier, dont le timbre est modifié par un porte-voix, qui harangue ses hommes, prépare ses soldats pour la poursuite. La Dame ré-accélère. Après une demi lieue de course rapide, elle aperçoit ses camarades qui l’attendent à la croisée de deux chemins. Frédérick, le premier, la reconnait et lui fait signe de la main. Ses chaussures factices sont restées depuis longtemps derrière elle. Elle rejoint ses amis, pieds nus.
Arthur : Ma Dame, Je suis heureux de vous revoir saine et sauve. Vous êtes devenue une maitresse du déguisement. Si ce n’est votre vitesse qui aurait pu rendre jaloux certains chevaux, je vous aurais prise pour une paysanne
Philippe : vous courez au petit galop sur cette distance
Brouillon