Hier un homme apeuré et trempé comme une soupe est venu me voir. Il voulait faire vite pour passer à gué après le terrible orage de la fin de l’été.
Il était porteur d’une missive urgente pour un maître dont il craignait de terribles sanctions.
Son pli était comme lui, trempé. L’encre se dispersait plus par endroits sur le parchemin.
J’ai recopié pour lui ce message, d’abord rapidement au brouillon, devinant les mots et lettres effacés, puis en essayant d’imiter l’aspect et la forme d’origine. Après une nuit de labeur, qui m’a tenu éloigné de mon journal autant que de mon lit, seul l’auteur du message aurait pu faire la différence et je n’en fus pas peu fier. J’ai peut être évité à ce pauvre homme des violences morales ou physiques qu’il redoutait intensément sans rien vouloir en dire.
Après s’être séché devant mon feu et reposé dans mon lit vide, il est parti rassuré, de son point de vue d’illettré, avec un message identique, en me laissant la moitié de son argent. De quoi me payer deux fois les bonnes bougies qui ont brûlé pour me donner toute la lumière nécessaire à cet ouvrage.
Ce texte m’a travaillé tout le jour, j’ai gardé ce brouillon et je l’ai relu de nombreuses fois. Il manque de sens. Mon esprit était persuadé que ce courrier était un message important, et si il n’était visible c’est qu’il était caché dans le texte.
En lisant une ligne sur deux, ce message prend un autre sens et revêt sans doute de l’importance à la vue de l’intensité de la terreur du Messager.
Il s’agit d’un objet important, un grimoire, caché sur une île oubliée située à 300 lieues autant à l’Ouest qu’au Sud du royaume de Bretagne, à l’Ouest de l’Espagne.
J’ai consulté les cartes disponibles au château, mais aucune ne porte aussi loin au Sud-Ouest.
Cet orage, le fait d’aider ce pauvre homme, est ce un signe du Destin ?
Qui offre à ma portée la quête de ma vie ?
C’est peut-être la dernière occasion pour moi de m’offrir le souffle de l’aventure avant que mes forces ne s’épuisent ?
Ce n’est pas une quête que je puis mener seul. Ici je suis un moine, un herboriste et médecin, un scribe et précepteur, et mes élèves n’ont presque plus besoin de moi. Ce sont des hommes à présent.
Ici en Bretagne, à part Arthur, Philippe et Frédérick, je ne vois personne qui me suivrait d’un mot, je n’ai pas de fortune, pas de rente autre que ma charge ici qui arrive à son terme dans quelques mois, pas d’homme lige à qui donner l’ordre de me suivre.
A part mes trois élèves, que je considère presque comme mes enfants grâce à cette longue amitié, je ne vois pas à qui me fier, ni qui convaincre pour cette aventure, dont les tenants et aboutissants ainsi que les motifs sont bien maigres.
Une quête de ce genre pourrait valider le passage à l’âge adulte de ces trois jeunes aspirants chevaliers.
Frédérick nous l’a montré après les moissons en devenant capitaine des archers de Suscinio, le plus jeune de Bretagne, peut être le meilleur de notre petit royaume. Il a un réel don pour toujours mettre sa première flèche dans sa cible.
Philippe est un excellent cavalier, il comprend les chevaux, il discute avec eux et sait attirer leur amitié. C’est déjà un talentueux forgeron et maréchal ferrant. Il prend soin de mes quatre montures depuis déjà quatre ans.
Arthur, formé par deux très bons maîtres d’armes et un stratège. C’est déjà excellent bon joueur d’échecs. Il a un jugement très sûr et une capacité à commander. Il fera un remarquable duc de Bretagne quand viendra son tour.
Ces trois jeunes gens à qui j’ai donné une éducation depuis plus de dix ans sont des alliés sûrs pour cette quête dont je ne sais pas grand chose.
Je pense avoir leur soutien et leur assentiment pour m’accompagner.