Descente par la vallée vers le royaume de France

Philippe et Frédérick suivent le chemin indiqué par le nain Forgeron sur une peau de lièvre blanc. Le manteau neigeux perd en épaisseur quand ils quittent les hauteurs et s’éloignent après avoir franchi la brèche de Roland.Les rochers se font de nouveau visibles, puis des arbres apparaissent, d’abord petits puis de plus en plus grands. Des pins verts couverts de neige et d’autres arbres sans feuille, châtaigniers et hêtres. Les poneys poilus et le hongre sont calmes mais les quatre chevaux s’énervent graduellement. Volpino en vient à mordre Qijote. Cortès menace de frapper Qredo de ses sabots arrières.

Philippe : Nos chevaux sont excités, énervés comme si ils avaient senti la présence d’une jument en chaleur à portée de leur odorat et ne supportaient plus la présence de mâles concurrents. Pourtant ce n’est pas la saison.
Frédérick : La nature nous fait parfois des surprises, surtout en terme d’amour ou de désir. Elle nous offre parfois des choses bizarre, créatures ou évènements.

Philippe : Je préfère qu’ils s’excitent pour une jument plutôt qu’ils prennent peur à cause d’un grand prédateur comme un ours, ou une meute de loups. En cas de panique, notre équipage de sept équidés serait incontrôlable. Nous allons changer d’organisation dans notre file de chevaux. Montons Cortès et Volpino, les plus forts, les plus sanguins, aux extrémités. Cortès en premier avec toi, Quijote en deuxième puis le hongre de la Dame, puis Qredo, puis moi sur Volpino avec les deux poneys attachés, pour l’empêcher de passer devant. Je surveille cinq croupes devant et trois derrière pour vérifier que tout va bien.

Frédérick lui répond d’un clin d’œil. Le reste de la matinée se passe bien. Philippe contrôle de la voix, menace de son fourreau d’épée tout début du débordement. Au détour d’un profond chemin creux, très pentu, qui fait s’incliner vers l’arrière les cavaliers et ralentir les chevaux ; qui doit être un ruisseau cascadant au printemps ; l’équipage tombe sur une clairière herbue sans neige ou broute un cheval blanc. Cortès accélère le pas, hennit. Frédérick peine à le contenir. Volpino frémit des naseaux, agite les oreilles.

Philippe : Voici la jument que nos chevaux convoitent. Pas moyen de faire demi tour ou de faire marche arrière.

Frédérick tire fortement sur les rênes mais le palefroi prend le mors aux dents. Il part en avant sans s’occuper de tout ce qu’il tracte. La corde se rompt après lui et il part au grand galop vers la jument blanche qui s’enfuit très vite. Frédérick s’accroche aussi fort qu’il peut. Philippe maîtrise Volpino, saute à terre, l’attache solidement à un arbre, puis Qredo et le hongre. Ensuite il transfert la selle et les rennes de Volpino sur Qijote avant de partir à la poursuite de Frédérick.

A l’oreille, autant par les cris du cavalier, que par les hennissements et les bruits de sabots de la monture, Philippe estime la direction qu’il doit prendre. Il franchit une demie lieue avant de les rattraper dans une clairière garnie de ronces. Cortès, sans Frédérick, tourne autour de cette jument à la robe d’un blanc immaculé. Philippe comprend qu’une parade amoureuse est commencée et à moins d’utiliser force violence au risque de blesser ou mutiler le palefroi, rien ni personne ne pourra empêcher ce qui va suivre. Il cherche Frédérick, trouve quatre traces de sabots beaucoup plus profondes que les autres près des ronces et l’empreinte très marquée d’une botte qui aurait chassé vers l’épineux qui porte une trace d’enfoncement. Philippe dégaine son épée et taille couche par couche les ronces pour ne pas risquer de blesser son ami. Il révèle une série de trous pouvant laisser passer un homme, dont un plus gros qui laisserait entrer un cheval. Il y fait trop sombre pour y distinguer quoi que ce soi mais Philippe croit entendre des bruits, plus que les débris végétaux qui dévalent la parois du trou. Il sort son briquet et un petit bout de bougie qu’il garde avec, les doigts tremblants, réussi à l’allumer du troisième coup. Il hôte le lacet de ses braies, y attache la bougie, le prolonge d’une ronce souple sans se préoccuper des épines et descend la lumière d’environ trois toises. Le puits descend régulièrement sans perdre en largeur. Quand il arrive au bout il devine des reflets métalliques, ceux de l’acier bleui des pointes de flèches qu’il a forgé lui-même pour Frédérick. Il crie plus fort qu’il ne le pensait.

Philippe : Ne t’inquiètes pas Frédérick, j’arrive, même si tu es tombé plus loin que l’enfer, sur ma vie je te ramènerai.

Il court jusqu’à Quijote, le ramène au bord du trou. Puis lui montre la jument, lui murmure à l’oreille qu’il y aura droit à son tour si il l’aide à sauver son cavalier habituel. Le coursier tourne la tête et remue les nasaux en direction de la jument puis renifle en direction du trou et pointe les oreilles dans le gouffre. Toujours le bras passé dans les rennes, Philippe fouille les fontes de sa selle. Il rassemble des lanières de cuir, sa petite trousse de bourrelier et la seule corde qu’il reste, de cinq toises. Une poignée de bougies, des provisions et son outre de vin. Il empoigne son marteau d’armes, vise le bord de la roche sur le trou d’à côté et frappe. L’arme reste fichée dans la roche tendre.

Philippe : Cela fera un piolet de fortune.

Il fait deux nœuds à l’extrémité de sa corde, ordonne au cheval de marcher dessus et descend sur un léger ressaut quelques mètres plus bas. Il dit à Quijote de bouger et récupère sa corde.

Ses yeux s’habituent lentement à la pénombre. Il récupère sa bougie, la fixe sur le dos de son gantelet gauche puis il en sort une autre qu’il coupe en deux avant de l’allumer et de la coller sur le casque. Il allume l’autre moitié et la fait descendre à l’aide de sa ficelle de fortune. Il fixe la ronce au pied de la maigre plateforme sur laquelle il a pris pieds.

Philippe : Frédérick, tiens bon, je viens de descendre de cinq toises, je prépare des fixations pour remonter et je descends te rejoindre. Il sort sa râpe, creuse dans la roche un espace profond d’un pouce puis fixe avec des clous un fer à cheval et passe la corde en double dedans. Il fixe les profondeurs éclairées sommairement par la bougie, aperçoit les flèches de Frédérick en contrebas sur une surface très pentue garnie de débris végétaux. Il rassemble son matériel, vérifie la solidité de sa fixation et descend. Son marteau d’armes, appelé aussi bec de corbin est à sa ceinture prêt à sortir si sa fixation vient à lâcher. Il ne tarde pas du bout des pieds à toucher la surface très pentue. Il trouve une prise solide, une cavité il y coince son poing gauche avant de libérer la corde. Ses pieds dérapent quand il se retourne pour faire face au trou. Il regarde avec effroi les débris qui sont en fait des os d’animaux tombés dans cette cavité traîtresse. Il pousse un cri quand des petits cailloux roulent sous ses pieds et qu’il n’est suspendu que par le poing.

Son cri retenti dans ses oreilles puis il l’entend dans vers le bas l’écho à quatre reprises. De la main droite il sort sa dague. Il roule pour faire face à la cavité qui emprisonne sa main.

Il cherche une faille pour sa dague, il bouge la tête de droite à gauche pour s’éclairer. Il reste concentré, ne pense pas à la douleur dans son poignet et son épaule gauche, pour ne pas tomber, pour ne pas risquer de tuer Frédérick ou être dans l’incapacité de lui venir en aide. Il trouve enfin une anfractuosité, un défaut dans la roche, y glisse sa dague petit à petit avec de légers mouvements de horizontaux. Quand enfin elle est rentrée jusqu’à la garde, il transfère doucement son poids d’une main à l’autre, soulage son bras endolori. En étendant la main gauche il arrive à la sortir mais le gantelet reste sur place. Il remonte un peu. Il remue les doigts tourne le poignet qui n’a pas l’air cassé. Le gantelet a encaissé une partie de l’effort. A tâtons, il cherche des prises solides pour les pieds. Son bras droit est endurant à la tâche, aussi bien à la forge qu’au combat mais il ne peut pas rester suspendu trop longtemps comme ça. Enfin il trouve un appui pour son pied gauche après avoir fait dégringoler une poignée de gravats. Quand tout ce qui devait tomber a terminé sa chute, que le silence s’installe, Philippe entend un gémissement, puis des bribes de mots, peut être son prénom. Il reprend son souffle et parle fort mais calmement, essayant de garder son sang froid. Philippe : Frédérick, tu es vivant, c’est Philippe, je viens te chercher.

Il attend que les échos s’arrêtent et l’entend répondre sans comprendre.

Philippe : Reste éveillé, j’arrive. Il rassemble les deux mains sur la dague, se décale à gauche, réussit à poser les deux pieds. Il libère sa main droite et empoigne son marteau. En cinq coups il arrive à dégager l’espace pour rentrer son pied droit, un meilleur support que la petite fissure qui portaient ses deux bottes. Il installe sa jambe, repasse son marteau d’armes à la ceinture. Il repose son bras droit, cherche des appuis plus sérieux. Quand les tremblements ont cessé, il attrape la dague de la main dextre, et tente de récupérer son gantelet de l’autre main. Avec quelques efforts il y arrive.

Il lui faut descendre. Sur la pente très forte qu’il a failli dévaler, maintenant suffisamment éclairée pour ses yeux, il voit l’empreinte de la botte de Frédérick et une trace de glissade vers une zone plus basse au milieu d’os blanchis et de lambeaux divers de fourrure décomposée. Il descend prudemment, réussi à poser les pieds sur cette pente forte. Ses clous pour ferrer sont trop petits pour la roche, mais dans la niche qu’il a creusé pour son pied, il pourrait mettre un fer à cheval, et les clous en nombre pourraient porter le poids d’une personne ou deux. Il le met en place les clous bien en biais pour réduire le risque d’arrachage, y fixe sa corde avec un bon nœud. Il éprouve sa fixation et descend pour explorer. Arrivé au niveau de la trace de pied, il trouve une rangée de gouttes de sang qui part sur la droite de ce pied dextre et des stries parallèles vers le bas de la pente. Dans ses stries des débris de plumes.

Philippe : Frédérick j’arrive. Je pense que tu as freiné avec tes flèches pour réduire ta vitesse de descente dans cette pente. Tu es vivant, je crois même que tu es conscient, j’arrive pour te sauver. Je ne peux plus cacher que j’ai des sentiments pour toi, qui dépassent l’amitié.

Philippe s’arrête de parler, débordé par l’émotion, les yeux humides. Il entend des murmures dont un seul mot est intelligible.

Frédérick :…… femmes…

Philippe : Je descends, j’arrive, tu n’as pas besoin de femme.

Philippe plante son marteau d’armes en bas de la pente, il l’enfonce profondément avec son petit marteau de maréchal ferrant puis va fixer en dessous un fer à cheval. Il passe la corde dedans puis la termine par un nœud. La zone plus basse est à nouveau un puits presque vertical. Il remplace la bougie sur son gantelet, perdue lors de sa glissade, par celle du lacet. Il descend à nouveau une bougie, cette fois allumée aux deux bouts et suspendue par le milieu. Il devine la silhouette de Frédérick au milieu d’un nuage de poussière et ce qui pourrait être les restes décomposés d’un ours. Il y a au moins huit toises à descendre pour le rejoindre.

Philippe : Je te vois Frédérick. Je prépare une voie sûre pour te rejoindre.

Frédérick :… j’entends des femmes…

Philippe remonte détacher sa corde et redescend en direction de son bec de corbin en freinant des pieds et avec sa dague, toujours la corde en main.

Arrivé au pied de la pente il s’assoit, noue sa corde au troisième fer à cheval. Il ne lui en reste qu’un de disponible en une pièce et un fer tout pied qui est moins solide avec sa charnière et qui pourrait pincer ou libérer la corde. La corde est solidement fixée, il descend avec prudence assurant au moins trois prises avant chaque mouvement. Quand il descend ses yeux s’habituent à la pénombre, le nuage de poussière et de moisissure jaune se dissipe. A mi-distance, il s’adresse à Frédérick.

Philippe : il me reste quelques toises à franchir et je pourrais te porter secours.

Il observe son ami étendu en travers de la cage thoracique d’une grosse bête. Sa botte droite en entier est teintée de vermillon brillant. Deux os ensanglantés percent le tube de la botte et dépassent de plus de la longueur d’un doigt. Frédérick remue et tousse. Sa bouche est encroûtée de sang et laisse apparaître des bulles quand il respire, avec un bruit mouillé.

Frédérick : J’ai vu des femmes……

Sa respiration se fait difficile, les bulles se font plus grosses.

Frédérick : Elles m’ont parlé…… l’une m’a embrassé……… L’autre m’a léché les bottes.

Philippe : Je ne vois pas de femme, j’arrive, je te remonterai à la surface. Bertrand te soignera. Tu auras tous mes bons soins pour te remettre de cette chute.

Il descend à nouveau, ses pieds arrivent au nœud placé à l’extrémité de la corde. Il y a trois toises de vide sous lui. Il observe à nouveau son ami. Dans la grotte, le sol a une faible pente, est couvert de poussière dans laquelle il voit des traces de pieds nus, qui vont et viennent vers une zone mal éclairée. Il détaille plusieurs cercles d’empreintes autour du blessé. Sur le chemin vers l’ombre profonde, il y a une des flèches de Frédérick, ensanglantée, et trois traces de sang un peu plus loin réparties sur le reste de la distance vers le coin sombre.

Philippe noue solidement la plus forte courroie de cuir qu’il à autour de sa corde de façon à ce qu’elle coulisse avec de l’effort. De l’autre côté il prépare une boucle assez grande pour y enfiler un pied. Il descend cette boucle jusqu’à ses pieds qui serrent le nœud à l’extrémité basse de la corde. Il passe la main gauche sous la fixation de sa courroie, la droite au-dessus. Il serre fermement avant de lâcher les pieds et d’essayer d’en enfiler un dans la boucle. Avec un étrier ça aurait été plus simple. Au cinquième essai, son pied est en place. Il place la main droite sous la gauche, puis la gauche sous la droite. Il pousse avec le pied, la courroie coulisse sur la corde, et il descend de la largeur d’une main. Avec quelques gestes prudents et répétitifs ses mains arrivent à l’extrémité de la corde. Il observe en détail sa courroie grâce à la bougie qui orne l’avant de son casque. Elle résiste bien aux frottements. Il est à un peu plus de deux toises de Frédérick. Il l’observe en détails. Son beau visage a pris une teinte crayeuse qui contraste avec son sang autour de la bouche. Sa botte pleine de sang déborde par deux rigoles qui se rejoignent pour former une flaque de la taille d’une grande assiette.

Philippe : J’arrive Frédérick, garde courage. Je me libère et je bondis jusqu’à toi.

Frédérick : Philippe…, Attention…… Aux……… femmes.

Trois silhouettes sortent de l’ombre à petits pas. Les deux premières lèvent la tête vers lui et étendent les bras, la troisième qui marche difficilement s’agenouille devant la flaque de sang et penche son visage dedans. Un bruit de succion se fait entendre. Le genre de bruit mal vu au château de Suscinio où il a été élevé.

Philippe se démène sans résultat, son pied toujours coincé, il regrette amèrement de ne pas avoir emporter une paire d’étriers, quand les deux femmes qui le regardent battent des bras avec des bruits de cuir ou de peau qui claque l’air, et montent vers lui. Il sort son épée pour se défendre, mais essaie de ne pas trop bouger, sa fixation, la corde attachée à un fer tenue par huit clous de maréchal ferrand ne tiendra peut être pas si il y des secousses ou si deux femmes viennent peser en plus de lui.


Philippe tente en vain de libérer son pied quand les deux créatures arrivent à son niveau, chacune en face d’une de ses épaules.

Il se tourne vers celle à sa gauche, la bougie de son casque éclaire un visage vaguement féminin encadré de cheveux longs clairs. Des yeux mauvais le scrutent, et Quand la bouche aux lèvres rouges et rehaussés du sang de Frédérick s’ouvre, deux rangées de dents triangulaires se découvrent, qui ont l’air tranchantes comme des rasoirs. Philippe se rappelle le requin bleu à moitié apprivoisé par la Dame. Les dents du poisson lui faisait peur, presque autant que celles-ci qui leur ressemblent, mais la malévolence et le vice dans ces yeux intensifie sa terreur. Suspendu au bout de la corde, le pied prisonnier, il ne peut s’enfuir comme il l’a fait face aux ombres invoquées par le grimoire. Philippe se ressaisit après avoir évoqué ses souvenirs dont il n’est pas fier. Il sert les genoux autour de la courroie qui le porte, se balance en arrière, plaque la lanière contre lui de la main droite sans lâcher l’épée puis sort sa dague de la main gauche, une assez bonne copie de celle de Bertrand, preuve de sa maîtrise de l’acier. Quand le mouvement de balancier le ramène vers l’avant, il tient en équilibre juste avec les jambes comme un marin dans la mature. Il lève le bras droit, recule le gauche. Quand le mouvement le ramène au contact de la créature de gauche, il plante sa dague pointée vers le haut sous la poitrine partiellement dissimulée par une chemise fanée qui se délite. Quand sa lame est enfoncée jusqu’à la garde, qu’il sent la créature Prisonnière de son arme. Il abat son épée entre le cou et l’épaule avec toute la force des années à la forge et toute sa rage pour protéger Frédérick. Son épée brise les os et déchire les chairs, descendant plus bas que la dague. La corde ondule sous l’impact. La créature hurle, puis ouvre sa bouche si grand qu’on pourrait croire à un anneau de dents et se jette sur Philippe qui a juste le temps de baisser la tête pour protéger son visage. La créature enfourne le casque et la bougie. Et remue si fort que le casque se détache.

Frédérick recule la tête, ses oreilles frottent sur les lèvres de la créature. Il repousse l’ennemi avec son genou, retire la dague, puis l’épée. La créature tombe au sol amortissant la chute partiellement avec son aile valide puis ses jambes. La courroie s’était tendue sous le choc et la charge supplémentaire, Philippe maintient son équilibre mais se sent partir vers l’arrière, inexorablement. L’autre créature avance vers lui et projette ses bras ailés munis de griffes vers la tête nue et le visage de Philippe. Il riposte d’un grand coup d’estoc avec son épée qui blesse légèrement la créature à la poitrine mais le propulse vers l’arrière. La lanière n’est plus entre ses genoux. Il bascule, comme au ralenti d’abord puis se retrouve vite tête en bas. La femme ailée fond vers son dos, il tente de se tourner, réussi à interposer moitié la dague, moitié son gantelet, déjà fragile après l’escalade qui finit déchiré par les serres acérées. Frédérick est sous lui, le teint pâle, l’œil terne. Philippe part en tournant, surplombe la troisième qui suce le sang au sol. Il se tortille. D’un geste vif, il tranche la courroie au dessus de lui. Il lâche sa dague loin de Frédérick, rassemble ses membres, vise la créature au sol et atterri sur elle les deux pieds et l’épée en avant. Sa mâchoire claque sous le choc et le goût de son propre sang se répand dans la bouche. Il a le souffle coupé. Sa victime n’est pas belle à voir. Elle a expiré violemment quand son dos a été aplati, elle gît à moitié désarticulée.

N’aimant pas la souffrance inutile, sans lâcher l’épée de la main gauche, il attrape son bec de Corbin et achève la créature d’un coup magistral sur la tête. Philippe se relève en dégageant ses armes. Depuis que la deuxième créature a avalé la bougie, la pénombre est Intense, le flamboiement de rage a comme éclairé la scène mais depuis il reprend haleine, les ombres sont difficiles à fouiller du regard. Il se rapproche de Frédérick, lui prend la main pour signaler sa présence.

Philippe : Frédérick, j’ai réussi à te rejoindre. Cette grotte est occupée par des femmes étranges qui en veulent à notre sang. J’ai achevée celle que tu as visiblement blessée et blessées les deux autres. Bois un peu de ce vin, je vais essayer de te soigner un peu, déjà réduire ton hémorragie. Il fait quelques étincelles qui lui révèlent le dos de sa main gauche lacérée par trois vilaines coupures. Il allume un première bougie puis deux autres qu’il répartit autour de son ami. Sa jambe n’est pas belle à voir, il cherche ou mettre de l’amadou pour étancher le sang mais ne se sent pas capable de retirer la botte avec les deux os qui passent à travers. Il redonne du vin à Frédérick, puis asperge les os, les couvre avec un morceau de chemise propre, nettoie sa main blessée et se fait un bandage.

Pendant tout ce temps les deux créatures tournent autour des deux hommes, sous l’œil inquiet mais déterminé de celui qui est valide. La zone où se réfugiait les femmes est un peu éclairée par les trois bougies, plus que par celle qui est suspendue en hauteur. Il a quelques petites carcasses d’animaux desséchées et le squelette étendu d’un être humain. Et au fond, une ombre impénétrable.

Philippe : Courage Frédérick, je devine ce qui pourrait être une autre issue, peut être plus simple que de remonter tous les deux. Mais je pense que pour y arriver, il me faut d’abord vaincre les deux suceuses de sang. Pour remonter aussi d’ailleurs car ce sont des créatures volantes. Enfin sur les trois, deux ne volent plus.

Frédérick : Elles n’aiment pas tes flèches.

Philippe se relève, réfléchit à ce qui peut rendre une flèche plus dangereuse pour une créature parce qu’elle est bleuie à chaud. Dans la grotte où il se trouve il ne reste que deux flèches, une dans la main de Frédérick et une autre vers la zone d’ombre qui est peut être une issue.

Philippe : Frédérick je ne sais pas si je pourrais utiliser ton arc pour tirer les deux flèches qu’il nous reste. Bertrand avait expliqué que nos forces étaient très différentes. Je n’ai pas osé descendre avec les flèches découvertes sur mon chemin, pour réduire les risques en cas de chute, ni les lancer avant de descendre. A ce moment-là je ne savais pas que tu avais affaire à des monstres qui en veulent à ta vie. Et je pensais remonter avec toi.

Frédérick répond avec un sourire qui pourrait passer pour un grimace, entre des bulles de sang contrastant avec sa peau très pâle et ses lèvres devenues blanches.

Frédérick :…… Deux flèches,……… deux mortes. J’ai…… soif.

Philippe lui donne à boire de la gourde d’eau puis débarbouille le visage et la bouche de son ami. Il dégage l’arc de Frédérick qui est près de lui dans la carcasse d’ours en le glissant vers la tête de son ami avec des mouvements délicats pour réduire la quantité de moisissure jaune à l’odeur âcre qui s’élève au moindre déplacement. Il le nettoie sommairement, vérifie l’intégrité des poupées et de la corde. Il est à priori intact. Il réussit à le bander à moitié avant que son épaule gauche l’élance à nouveau. Il reprend son souffle en rassemblant les deux flèches. Les deux créatures le regardent avec un regard mauvais et un sourire carnassier. Elles s’enlacent toutes les deux et la plus blessée des deux mord l’autre dans le cou. L’énorme blessure infligée par l’épée de Philippe bouillonne pendant que les morceaux d’os s’allongent pour se rejoindre puis les bords de la plaie se rapprochent. Elle bat des ailes pendant que ce qu’il reste de la blessure s’amenuise à un trait de l’épaisseur de la lame d’épée. Philippe comprend qu’il n’aura qu’une occasion, il imite le geste si souvent répété du très jeune capitaine des archers de Suscinio, la flèche sur l’arc, la corde au plus près du visage, il décoche au moment où les créatures comprenant le danger se séparent. Le reflet bleu traverse l’espace de la grotte et embrochent les deux femmes, la première à l’épaule gauche, la seconde en pleine poitrine. La flèche termine sa course en déchirant l’aile droite. ‌La première femme rugit de rage, la deuxième glapit de douleur. Philippe, très crispé sur l’arc pour réussir à le bander presque en entier, a encaissé le choc, son poignet a souffert et son épaule déjà fragile s’est à moitié déboîtée.

Philippe : J’ai touché les deux femmes d’une flèche mais je crois pas pouvoir tirer à nouveau.

Les deux créatures s’éloignent au plus loin dans un autre coin sombre, la deuxième finit presque en rampant à moitié portée par sa compagne. Philippe pose l’arc près de Frédérick, prend la dernière flèche dans sa main gauche et du bras droit se masse l’épaule, puis tire sur le bras. Après un pic assez vif, quand l’os reprend sa place, la douleur s’estompe petit à petit.

Philippe : Si je veux une chance de te remonter, il faut que je conserve l’usage de mes deux bras. Avec cette dernière flèche je pourrais frapper d’estoc, pourquoi pas au bout de ton arc, ce qui me donnera une allonge.

Frédérick à bout de force lui répond d’un sourire et d’un pouce levé. Il garde le plus souvent les yeux fermés, bouge très peu. A la ceinture de Frédérick, Philippe décroche la bourse étanche où sont rangées les cordes d’arc. Il en choisi une et réfléchit à un montage solide, la flèche au bout de l’arc dépassant de la moitié de sa longueur et fixée le long de la corde. Il mange un morceau, fait boire son ami. Puis complète son ouvrage.

Philippe : Qu’en penses tu ? Avec ma main droite sur la poignée et la gauche à l’autre bout me voilà avec une allonge de cinq pieds, plus long que leur bras griffus.

Philippe prend son arme improvisée en mains tel qu’il l’a décrit et fait des mouvements simples d’attaque et de parade comme avec une lance puis un bâton. Son poignet et son épaule gauche supportent l’exercice sans douleur vive. Ensuite il cherche de quoi réduire les ombres pour ne pas se faire piéger par le sol inégal. Il rassemble des feuilles mortes et des brindilles à la verticale du trou qui les a conduit là pour réduire la fumée, prépare un petit tas qu’il allume ensuite avec une des bougies près de Frédérick. Le feu s’allume facilement et grandit vite car tout est très sec. Philippe est content de la lumière diffusée presque partout et de la chaleur vers Frédérick qui en a bien besoin. ‌Les deux créatures, blessées et qui n’ont pas l’air de guérir facilement, se rencognent dans un creux de la paroi.

Philippe : Le feu ou la lumière leur fait peur. Je vais facilement pouvoir les vaincre.

Frédérick sourit sans ouvrir les yeux. Il a tourné son visage vers le feu. Philippe a l’impression qu’il a repris des couleurs.

Philippe : Je vais te redonner à boire, veux tu essayer de manger ?

Il répond par un hochement de tête très léger. Philippe fait l’inventaire de ce qu’il reste de nourriture et ce qui est le plus mou pour son ami à bout de force.
Il pense aux gousses d’ail qui pourraient redonner de la force mais se souvient des conseils de Bertrand qui évoquait les athlètes et guerriers Grecs, en cas de plaie sanguinolente, l’ail accélère les pertes de sang. Il croque une gousse d’ail et se sent revigoré. Ses plaies dans la bouche se réveillent et le brûlent. Il imbibe du pain avec le reste du vin en serrant son outre puis le déchire en petits morceaux et les donne un par un à Frederick.

Cette proximité avec Frédérick, les yeux fermés, à demi conscient lui fait se souvenir du passage sur la yole pendant lequel tous avaient souffert de la soif et fini par perdre connaissance. D’abord Frédérick dont Bertrand avait pris soin avec l’aide de la Dame qui apprenait comment faire dans l’éventualité ou elle resterait seule consciente. Elle a raconté qu’elle a pris soin des quatre chevaliers comme une mère prendrait soin de ses enfants. C’est avec tendresse qu’il prend soin de son ami aujourd’hui. Il réagit en se sortant de ses pensées quand un bruit l’alarme. La créature la moins blessée, venait vers eux à pas lents a sursauté et trébuché faisant claquer ses ailes quand quelque chose dans le feu a détonné. Philippe se redresse et se place entre son ami et les créatures.

La première a divisé par deux la distance qui les sépare de ses proies, l’autre est restée dans un creux de la paroi de la grotte. Sa lance improvisée en mains, il avance gardant le feu sur sa droite pour ne pas se faire d’ombre en avançant. La créature reprend forme humaine puis s’essaie à un sourire timide. Elle entreprend de remettre de l’ordre dans sa chemise déchirée, tachée de sang et rongée par les ans. Philippe à l’abri du sortilège est insensible aux charmes de cette très belle femme qui en a certainement ensorcelé et dévoré plus d’un. Il avance vers elle et tout à son objectif d’éradiquer ces créatures, frappe d’estoc. Il se projette en avant et se surprend lui même. Il a planté sa lance improvisée d’un pied dans la poitrine que la créature avait rendue plantureuse pour magnifier ses atouts. Il la retire assez vite pour ne pas que la créature casse la flèche. La plaie fume et la chair se ratatine autour du trou et fini par se racornir.

Philippe : L’acier bleui agit très fort sur elles. Frédérick tu avais vu juste. Quand c’est un projectile le contact est fugace à cause de la puissance de ton arc et de la petite taille de la pointe. Nous avons deux adversaires très affaiblies, quand à la troisième j’ai l’impression qu’elle est morte. Je vais essayer essayer de bouter le feu à sa chemise car si elle doit revenir à la vie, je préfère que ça soit plus tard, quand nous aurons quitté ce lieu dangereux.

Frédérick répond d’un léger sourire et d’un pouce à peine levé. Philippe attrape une petite branche à moitié enflammée puis se déplace et approche le feu près du corps la où l’étoffe est libre et non imbibée de sang. Le tissu s’enflamme au niveau des manches et à l’espace libre entre les jambes. Les membres remuent un peu et la créature pousse un râle désagréable. Instinctivement il plante sa lance improvisée là où il pense situer le cœur. Les mouvements s’arrêtent.

Philippe : Par charité et pour le bien de toutes et tous, nous achèveront avec certitude ces créatures. Il en reste deux blessées et affaiblies, la troisième n’est plus.

Frédérick ne réagit pas. Philippe trouve qu’il a l’air serein, avec un demi sourire. Pris d’un doute, il se rapproche de son ami, le voit et l’entend respirer paisiblement.

Philippe, tout bas presque pour lui même : Dans quel état es-tu Frédérick pour endurer ta jambe qui me torture l’esprit et le cœur rien que de voir ta blessure ?

Il effleure son front d’un baiser léger et le trouve tiède et coloré, mieux que quand Philippe est arrivé dans la grotte dans laquelle son ami était exsangue. Il affermit la prise sur son arme, alimente a nouveau le feu avec tout ce qui est combustible de façon à faire une barrière entre les créatures et Frédérick et pour le réchauffer et le protéger. Le foyer prend la forme d’un arc de cercle.
Les femmes remuent mais ne savent pas de quel côté s’échapper. Philippe arrive par le milieu, dos au feu. Celle qui a été blessée par un tir, depuis peu la moins blessée des deux, l’autre ayant beaucoup souffert, souffle et crache comme un chat en colère.

Philippe : Si il y a la moindre trace d’humanité en vous, dites le maintenant, je vous ferai dès que possible une sépulture digne.

Pour toute réponse Il n’a que deux longs cris qui lui vrillent les oreilles. Il avance vers elles bien décidé à les exterminer sans pitié. Il va ménager sa lance improvisée, la garder pour les achever. Il prend à deux mains son bec de corbin avec l’envie de faire gicler leur sang sur la paroi de la grotte. Le côté pointu en crochet doit lui permettre de maîtriser un adversaire qui peut s’envoler. Il fonce vers sa cible en faisant tourner son marteau au-dessus de sa tête en avançant vite et l’abat de haut en bas sur la première créature qui esquive de coté en s’envolant. Il manque le corps mais accroche l’aile membraneuse déchirant tout sur une demi toise. Philippe dégage son arme d’une rotation du manche, le lève bien haut et l’abat sur la créature qui s’est affalée sur le côté. Elle a le temps de ramper un peu mais le marteau descend vers son bassin qu’il traverse avant de perforer le sol. Le marteau est coincé la créature aussi. Elle pousse un cri terrible dans lequel la douleur et la colère se mêlent. Philippe lâche le marteau pour dégainer son épée, plus rapide que l’arc. Il a le temps de se tourner d’un quart de tour à droite quand l’autre femme bondit sur lui. Il attrape la garde des deux mains, tient fermement l’épée en avant. Elle s’enfile sur l’épée jusqu’à la garde au niveau du sternum en feulant puis griffe le dos de Philippe déchirant les mailles de son haubert et lacérant les couches de lin de son gambison. Il manque de tomber mais tient bon en posant un genou à terre. Les deux visages séparés de la distance d’un pied ils se défient. Elle se rapproche en faisant claquer sa mâchoire à plusieurs reprises. Il libère sa main gauche, sort sa dague. Elle avance encore faisant claquer ses dents à trois doigts de son nez. Il la plante sous le menton vers l’arrière espérant toucher le cerveau. Il entend l’acier perforer l’os et s’y ficher empêchant la bouche de s’ouvrir. Philippe se dégage du corps, reprend son souffle. Son dos le brûle mais il ne peut pas s’en occuper sans aide.

Philippe se tourne vers Frédérick, constate qu’il n’y pas de danger de son coté. Plus loin il voit que la troisième femme n’a pas bougé, est elle définitivement morte ? La créature qui est clouée au sol griffe la roche tendre pour tenter de s’arracher de la prison du marteau d’arme. A-elle gagné quelques centimètres ? L’autre ne contrôle plus ses jambes, sans doute à cause de l’épée qui traverse son corps par le milieu. Elle avance péniblement vers Philippe en se traînant sur les coudes. Il va chercher l’arc près de Frédérick ainsi que son épée et sa dague pour remplacer les siennes et contourne la créature qui avance vers lui. Elle a l’air très mal en point, comme desséchée par toutes les blessures subies. Elle s’arrête, s’oriente vers Philippe rehausse son buste, le défie du regard et empoigne de ses mains griffues par les quillons la dague qui lui bloque la bouche. Elle la pivote de droite à gauche. Il y a plusieurs craquements désagréables à entendre pour Philippe. Elle finit par l’arracher, du sang noir et puant coule sous son menton. Elle la jette avec rage vers lui, la dague tourne et rebondit à plat sur le plastron de Philippe.

Il fait deux pas pour l’attaquer par le flanc gauche en faisant tournoyer l’épée de Frédérick et l’abat sur son cou. La tête vole en éclaboussant le sol et la paroi du même sang noir qui s’échappe mollement du haut du torse. L’autre créature rugit en voyant la tête de sa compagne voler. Elle plante plus profondément ses ongles dans la roche quand Philippe s’approche et tire fort. Un craquement retentit et rebondit sur les murs naturels de la grotte. Elle part en avant en laissant un morceau d’elle avec le bec de corbin. Un bout de squelette d’où suinte un peu de sang noir.

Philippe fait trois pas vers sa dernière cible qui s’est remise debout gauchement. Elle est loin de la belle femme qu’elle tentait de paraître il y a quelques minutes. Pour Philippe c’est une ennemie et il sera sans pitié.Il fait un mouvement tournant autour de son adversaire et surveille le reste de la grotte. Elle a des difficultés à se maintenir face à lui, et trébuche plusieurs fois sur des aspérités au sol. Philippe constate que les pieds de cette créature traînent au sol quand elle marche certainement à cause du marteau. Lui-même sent que son dos est blessé que ses bras ont des gestes plus difficiles que d’autres. Il se place pour la prendre en tenaille avec le feu. Il avance vers elle, se place à chaque fois au bon endroit quand elle tente de s’échapper d’un coté ou de l’autre. Elle grogne quand elle se sent bloquée. Quand il l’a acculée à moins de deux toises du feu, il passe à l’attaque. Il bondit vers elle, feinte à gauche et l’attaque par la droite. Elle lui offre son flanc, il y plante son épée, du côté où l’aile membraneuse a été fendue en deux. Les os sont durs, il réussi tout de même à planter son épée d’un pied à l’intérieur de cette cage thoracique décharnée. Son arme est coincée à nouveau. Il bouscule la suceuse de sang pour la mettre à terre en faisant levier avec l’épée. En feulant, elle se débat, ce qui libère l’arme. Pendant qu’elle tente de se relever, Philippe frappe au niveau des genoux. La jambe gauche, à moitié détachée ne tient plus que par un ligament coté interne. Elle réussi à se relever et sautille vers Philippe. Il comprend que son ennemie veut en finir et ne veut pas la décevoir. Elle claudique vers lui, la jambe blessée pend et le pied frotte le sol par son bord extérieur. Son visage est désormais celui d’une bête. Philippe frappe à la base du cou d’abord à gauche puis à droite. Étrangement, la tête bondit vers lui pour le mordre au visage, il la dévie d’un coup de poing de la main gauche, la tête tombe à quelques mètres de lui. Philippe reprend son souffle, range l’épée et prend la lance improvisée. Il passe devant chaque corps, plante la pointe d’acier bleuie dans tous les poitrails à l’emplacement du cœur. Ensuite il démembre tout ce qu’il est possible. Quand il en termine avec le deuxième corps, il ressent une vive douleur à la cheville gauche. C’est la dernière tête qu’il a coupée avec des lambeaux de muscles qui a rampé jusqu’à lui pour le mordre. Du peu qu’il voit le regard a l’air dément. En trois pas il se déplace jusqu’au feu, met son pied au bord des flammes et les lambeaux de chair de la tête au milieu. Ensuite il sort son épée et traverse de part en part la boite crânienne aux niveaux des tempes. Les mâchoires desserrent leur étreinte. Philippe fait rôtir la tête dans les flammes pendant un liquide épais, noir comme la suie dégoutte dans les flammes.

Pour lui-même et peut être pour Frédérick.

Philippe : On dirait que ces créatures ont deux sangs, un sang rouge comme le notre et un sang noir au plus profonds de leurs os.

Il va ensuite piquer les deux autres têtes sur la pointe de l’épée de Frédérick et fait les brûler. La première tête a roulé des yeux et claqué sa mâchoire quand Philippe l’a piqué.

Une fois brûlées, Philippe se sent rassuré.

Philippe : Frédérick j’ai brûlé les têtes des créatures avec ton épée, qui a sans doute perdu une partie de sa trempe sur la pointe.

Il fait le tour de la grotte du regard, il y a aucun mouvement à part celui des flammes et la respiration de Frédérick. Philippe va s’asseoir près de lui et enlève sa botte et sa chaussette gauche. Au-dessus du talon, il y a des traces de dents des deux cotées de la cheville dans sa peau et sa chair, qui a déjà pris une couleur violacée. Philippe attrape une gousse d’ail, l’écrase et en frotte les petites plaies. L’ail fait couler un peu le sang, qui est par endroit noir par d’autres de la bonne couleur. Il se masse le pied en mâchant une autre gousse d’ail puis en applique une autre sur son pied. En pressant ses chairs de haut en bas il arrive à évacuer des petits grumeaux de sang noir au milieu de son sang rouge clair. Ensuite il fait la même chose du pied vers la plaie. Ce n’est pas la première fois qu’il est blessé mais il n’a jamais vu de grumeaux noirs dans ses plaies. Il décide d’appliquer une troisième gousse d’ail sur ses blessures en espérant que ça suffise à les assainir, puis il pense à Frédérick qui a aussi été en contact avec la bouche des créatures.

Philippe : As-tu été mordu Frédérick ? Une de ces créatures m’a mordu à la cheville, et ses dents devaient être très sales car j’ai trouvé de petits grumeaux noirs dans la plaie et dans mon sang. Elles t’ont embrassé et léché. Depuis que j’ai vu leur vrai visages, je suis inquiet pour toi et ta santé. Ta blessure ne saigne plus, je te propose de manger deux ou trois gousses d’ail par précaution.

Ils partagent tous les deux leur dernières provisions en éprouvant la joie simple d’être vivants tous les deux.

Frederick : C’est la plus rapide chevauchée avec moi tenant les rennes, ou la plus rapide tout court, même si j’ai chevauchée très vite en croupe avec toi.
Philippe : On a chevauché ensembles peut être aussi rapidement mais sur un chemin très dégagé, pas comme ici.
Frederick : Tout s’est passé vite mais j’ai vu que cette jument très blanche avait une corne torsadée sur le front d’au moins une coudée de longueur.

Philippe : Nous demanderons son avis à Bertrand, il connaît la région et tous les animaux décrits par Pline l’ancien. Je n’ai jamais vu de cheval avec une corne, petite ou grande. Une créature de légende ou magique ?

Frederick : C’est peut être une licorne des légendes.

Philippe : Pour l’instant j’aurai bien besoin de magie pour m’occuper de ta blessure. Je me sens trop faible pour te hisser jusqu’à la surface et j’ai l’intuition que ta jambe nécessite des soins rapides. Les forgerons comme les barbiers sont reconnus pour s’occuper des foulures et des fractures mais devant une blessure si grave, il nous faut une bonne dose de miracle ou de magie. Pourquoi pas celle d’une licorne mais dans la clairière vingt toises au dessus de nous, j’ai l’impression qu’elle est moins accessible qu’à vingt lieues de distance avec nos montures. J’ai l’impression que tu es blessé depuis peu de temps, mais j’ai perdu la notion du temps, impossible de savoir si il s’agit de quelques minutes ou de plus d’une heure.
Frederick : Mon instinct me dit de m’en occuper maintenant mais je suis incapable de me redresser pour atteindre ma botte.

Philippe : C’est la première fracture avec des os qui dépassent que je vois d’aussi près. Pourtant j’ai l’idée de comment faire. Découper ta botte pour l’ôter sans trop de douleur puis tirer et tourner pour mettre le pied dans l’axe du genou et faire rejoindre à ces os leur moitiés. Une fois les os à nouveau dans ta chair, je pourrais les ajuster au plus près. Puis placer un peu d’ail et te faire une attèle. Et prier pour retrouver Bertrand très vite. Son savoir te sauvera la jambe, un cône d’alun facilitera la guérison comme pour Arthur.

Un tintamarre se fait entendre en provenance du tunnel inexploré.

Philippe : J’ai l’impression d’avoir entendu un roulement de tambour ou un bruit de tonnerre en provenance de par là.

Frédérick : On dirait une grosse voix, quelque chose de très gros et de très menaçant.

Philippe : C’est démesurément grave pour une voix humaine. Est ce que ce passage est le chemin que nous devons prendre pour sortir d’ici ?

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