A la soupe

Les amis quittent précipitamment le château dans lequel ils étaient prisonniers. La Dame a récupéré leurs effets, et leurs armes en affrontant le seigneur local dans son donjon. Bertrand a trouvé leur armures dans une remise près des geôles. Philippe a récupéré les harnachements et équipé les cinq montures. Ils voyagent vers le Nord au plus vite. Au soir après avoir avalé plus de quinze lieues, ils approchent d’un petit village.

Bertrand : Nous avons tous nos biens mais plus d’argent pour payer nos repas et nos nuitées et la pitance de nos chevaux.

La Dame : J’ai fait vite et je n’ai pas pensé à vos bourses.

Arthur : L’essentiel est que nous soyons libres, sains et saufs. Le projet de vous brûler sur le bûcher avait tout pour nous déplaire.

La Dame : Dans la chambre du seigneur Il y avait sur la table votre bague et mes émeraudes et nos armes et possessions.
Frédérick : Nous sommes vivants, nous chasserons et cueillerons pour nous nourrir.

Philippe : Nous trouverons ce qu’il faut, mais déjà abreuvons nos chevaux à ce ruisseau. Ils ont enduré un  trajet à un rythme soutenu sans faiblir, il faut prendre soin d’eux pour leur demander la même chose demain, ou plus raisonnablement la moitié demain.

La Dame : Je ne vois pas l’ombre d’un poisson dans cette petite rivière, rien que des cailloux tout ronds.

Arthur :  C’est encore l’hiver pour les poissons, ils se cachent. Je  viens de faire le tour de nos fontes et de nos sacs, il nous reste quelques miettes, des restes d’avoine, des morceaux de carottes et de navets tout secs.

Bertrand : j’ai un peu de sel dans ma besace et trois grains de poivre noir qui s’étaient échappés vraisemblablement quand le vireton du diable avait traversé mon bagage. Tout cela a de quoi donner du goût à un bouillon mais pas restaurer nos forces.

Philippe : Dans l’idée d’améliorer un bouillon, j’avais gardé à défaut de mieux un morceau de couenne grand comme ma main de bon lard fumé pour graisser nos équipements.

Frédérick : Je crois apercevoir de l’ail sauvage qui se cache sous ces feuilles mortes.

Arthur : avec tout ça notre bouillon aura du fumet, on va attirer des gourmands.

Philippe : Nous partagerons avec eux des bols d’eau chaude.

Bertrand : Nous avons la solution, nous allons jouer aux villageois une petite scénette et si nous attisons convenablement leur curiosité, nous mangerons, je l’espère mieux que de l’eau chaude. Trouvez moi dans la rivière quelques belles pierres bien rondes, de la taille d’un œuf de poule. Répartissez vous nos restes. Je vais m’installer au milieu du village et faire un feu puis j’irai remplir le chaudron à ce ruisseau. Je commencerai la soupe avec les pierres, dès qu’un curieux s’intéresse, l’un d’entre vous viendra, puis un autre après le curieux suivant. Faisons mine de ne pas nous connaître.

Philippe : Je viendrais avec la couenne, elle est très odorante.

Frédérick : Je rapporte tout l’ail que je vais trouver sous les feuilles, on sentira le bouillon encore mieux. Il en ramasse un et l’écrase un peu. On le sent bien. Il va embaumer la place du village.

Arthur : Je vais rassembler toutes les miettes de légumes et la poignée d’avoine qu’il reste.

La Dame : Je vais rapporter les trois grains de poivre et le sel, confiez les moi.

Bertrand : Préparez vous. Venez si possible chacun d’une direction différente. Je suis un voyageur détroussé par des bandits de grand chemin.
Il part avec Cortès qu’il installe sous un tilleul dénudé.
Il s’en va au ruisseau avec son chaudron qui clapote au retour puis s’en va à nouveau revient avec des branches mortes qu’il traîne dernière lui.
Il installe quelques pierres, des branches et des brindilles et des feuilles mortes, celles du tilleul. En quelques gestes précis avec son briquet et son silex, son feu démarre. Il le salue d’une exclamation sonore. Deux villageois le surveillent par leur porte entrebâillée. Il fredonne un air gai, jette quatre cailloux dans son chaudron, et va frotter son cheval avec des poignées d’herbe sèche.

Il chante un air entraînant en remuant son chaudron avec la cuillère en bois, le goûte à deux reprises avec force  exclamations, et des bruits de langue. Une femme sort de chez elle après avoir repoussé une marmaille en haillons. Elle s’approche plutôt lentement. Ses robes sont reprisées, elle a l’air fatiguée.
Bertrand : Bonsoir gente dame. Je suis  Bertrand, un pèlerin. Un Jacquet. J’ai été détroussé de mon argent et de mes provisions par des bandits mais j’ai réussi à m’enfuir avant qu’ils ne me prennent tout, y compris la vie. Elle l’observe sans rien dire.

Bertrand : Je n’ai plus rien pour dîner, donc j’ai décidé de faire une recette de feu ma mère, sa fameuse soupe aux pierres. Une recette pour les moments difficiles.

La villageoise : Bonsoir messire, sauf votre respect, vous ne pourrez pas vous nourrir avec de l’eau chaude et des pierres.

Bertrand : il faudra faire bouillir et remuer longtemps, pour que les substances  nourrissantes des pierres migrent dans l’eau. 

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