Tourisme spatial

Qu’est ce que je fais au pôle Sud de la Lune avec une bouteille de butane dans chaque main.

Avec les ombres et l’éclairage rasant c’est très difficile d’estimer les distances et le sol est dur comme du béton par endroit. Je me suis déjà tordu deux fois la cheville droite. Je suis épuisé et frigorifié. Je n’ai jamais fait autant de sauts en un seul jour. Et avec le froid en plus, difficile de rester concentré. Une voix me guide dans ma tête et m’exhorte de me rapprocher, que c’est urgent.

Cette même voix, il y a quelques heures m’avait contacté en esprit et m’a convaincu quand je cherchais sur place le site d’atterrissage de Apollo 11. Je suis rentré chez moi j’ai refais le plein d’air comprimé, j’ai mangé une bricole, bu un soda tonic et je suis reparti avec les deux bouteilles de gaz tout métal treize kilogrammes de butane chacune que je venais d’acheter. Je les achète par deux plus facile à transporter vingt quatre kilogrammes dans chaque main que dans une seule.

Et me voilà parti. Je vise la Lune. J’y suis. L’orbite basse. Pas ce coup ci, je dois viser le pôle Sud. Mon deuxième saut m’amène près de ce qu’on peut appeler le cercle polaire. Pour mes premiers essais, j’étudiais à fond la carte de la Lune à différentes échelles pour me repérer mais au pôle Sud je suis dans le flou. Trois sauts de plus et je retrouve assez près du pôle je pense. Ce dialogue dans ma tête est bizarre, très loin du monologue intérieur dont j’ai l’habitude depuis tout petit. Ici c’est plus des concepts et des ordres qui m’arrivent à peine sous forme de mots. Comme si il y avait une difficulté en plus, la barrière de la langue peut être. Je crois en avoir déjà fait l’expérience douze jours plus tôt mais je suis rentré très vite chez moi en un saut, je n’étais pas à l’aise avec ce tâtonnement dans ma tête et mon scaphandre artisanal n’était pas très au point. Douze jours et me voilà de retour pour faire un peu de tourisme spatial. J’en profite avant que la NASA et compagnie retournent en orbite lunaire avec des gens, après plus de cinquante ans. Donc je dois me rapprocher du pôle, trouver un monticule plus rond que les autres et les restes d’un drapeau. Mais qu’est ce que j’ai froid. Mes bras sont engourdis, mes mains sont gelées. Elles se refroidissent tenant ces poignées de métal. J’ai protégé les bouteilles du froid comme du chaud en les enveloppant chacune dans une couverture de survie mais là je crois que c’est moi qui en ai besoin. J’ai envisagé le chauffage à bord de mon scaphandre artisanal, mais ça fait déjà beaucoup de choses que j’ai géré mine de rien depuis mes débuts. Et puis j’ai bien pensé à me téléporter à bord de la station spatiale internationale pour leur emprunter à long terme un scaphandre mais pas sûr de trouver ma taille. Et je suis persuadé que ça aurait déclenché un évènement diplomatique d’ampleur mondiale. Et mon scaphandre est presque opérationnel, mais il est loin d’avoir la classe, il aurait fait peur même. Je n’ai pas de visière transparente, j’observe mon environnement à l’aide de caméras et d’écrans sur l’intérieur de mon casque. Et un petit carreau rond pour viser ma cible. J’étais un peu gauche mais je m’y suis habitué. Une rangée de quatre petits écrans pour l’horizon avec ma petite lucarne au milieu, et une rangée de trois au dessous et une autre de trois au dessus.

J’ai parcouru les champs par chez moi pour m’entraîner comme le jeune héros de Heinlein qui gagne un scaphandre de réforme au début de ses aventures. Je passais déjà pour un original mais ça c’est sûr que ça ne m’a pas aidé. Je suis myope donc des écrans si près de mes yeux, ça ne me dérange pas trop, et la lucarne est composée de lentilles à ma correction. J’éteins les écrans pour viser. « Concentrons nous ». La voix dans ma tête revient à l’assaut. J’espère que tout ça n’est pas le fruit de mon imagination et je ne suis pas en train de me geler le cul pour rien tout seul sur la Lune.

Ou au fond de mon lit ou je ne sais pas où en train d’halluciner.

Ce froid est terrible, J’espère que j’arriverai à me réchauffer sur place. Ces bouteilles de gaz me servent à me chauffer chez moi à la base. Enfin je veux dire elles étaient prévues pour. Je travaille sur un habitat alternatif comme on dit, mais qui tient compte de mon don. J’y habite et je travaille dessus dans un vieux hangar à poulets désaffecté, je mets un chauffage à gaz près de moi quand c’est nécessaire.

Mais là j’ai froid comme jamais. Le prochain coup je mets le paquet coté isolation et un chauffage circulant dans le torse, les bras et les jambes.

Mon guide doit ressentir mon inconfort et m’encourage. En avant. Go Johnny go. Mon royaume pour de la musique. Johnny B Goode pour me donner de l’entrain ou n’importe quel bon rock. A ne pas oublié dans la prochaine version de mon scaphandre.

Quelques kilomètres me dit t’on dans l’oreille. Mon interlocuteur ne connaît pas le paysage vu de dessus mais sent que j’approche. Un reflet là, à gauche ?

Peut être bien mais pas moyen de savoir si je suis à mille mètres ou dix mille ou plus.

Pas facile de jauger, je saute au jugé à mi distance et la migraine s’installe d’un coup comme un éclair qui me traverse la tête, je crois que la partie de mon cerveau qui gère ce don a atteint ses limites. Je mangerai bien des amandes ou des noix de cajou. Pourquoi ça. A noter pour plus tard. Mais comment en manger sans les mains depuis le casque ? Je vais relire « le vagabond de l’espace » ou plutôt son titre en anglais qui a plus de charme à mes yeux, « have spacesuit, will travel ».

Restons concentré je suis en chute libre quand même. Je zoome avec la caméra du milieu de la rangée inférieur, un reflet dans les ténèbres ? Ou une lumière.

Le sol approche vite. J’éteins les écrans. Je vise le truc qui brille. Pas trop près.

Un crissement ?

Où suis-je ?

Je crois que je viens de perdre connaissance quelques instants. J’ai du sang dans la bouche. Je dévale sur le dos une sorte de pente, il faut que je rallume les écrans.

   Je crois que le dernier saut m'a fait m'évanouir. J'ai visé à mi-chemin par rapport à ma cible. Sur un secteur un peu bombé et dans la lumière. Je crois que je suis tombé d'une dizaine de mètres dans des gravats plutôt légers. Il y a encore un anneau de poussière qui s'élargit tout autour de moi. Je crois que je vais faire le reste à pieds. Je prendrai un télémètre laser le prochain coup si j'ai les moyens de m'acheter un modèle longue distance qui résiste dans le vide de l'espace. Avec un blindage électromagnétique.
Ce monticule n'était pas congelé contrairement aux zones dans l'ombre. Il a bien amorti ma chute.
Au sol c'est plus facile d'estimer les distances. Il me reste un kilomètre à parcourir environ. Dans l'ombre le froid aspire ma vie plus vite qu'un vampire le sang d'une victime inconsciente. Je choisis un chemin le moins ombragé possible. Je balance mes bouteilles à chaque bras et allonge le pas. Ça me réchauffe un peu cette marche rapide. Mais que les bouteilles sont froides. Je regarde mes écrans latéraux inférieurs. Le mylar s'est déchiré sur le bas des bouteilles. Il y a de la glace dessus, qui s'évapore au soleil.
Je remue les doigts pour que un seul touche à la fois chaque poignée.
Il faut que je fasse vite.
Un kilomètre avec des pas un peu sautés de trois mètres ça va aller. Surtout bien atterrir. C'est la position du pied qui compte. Et éviter les cailloux, les trous.
La moitié de la distance, sans ennui. Une zone bombée est ce que je devrais la voir déjà ?
Et merde, le sol s'écroule sous mon pied droit jusqu'à mi mollet. Ce trou est plus froid que l'enfer. J'ai mis deux épaisseurs de tissus de verre des pieds jusqu'aux genoux. Je sors vite le pied en appuyant sur les deux bouteilles de gaz. Mon pied fume. La toile de verre est entaillée j'ai l'impression. Pas de fuite, allons en avant. Le verre en toile pour supporter les écarts de température, on en fait des couvertures anti-feu. La voix m'encourage dans la tête,me fredonne quelque chose mais c'est sans que je comprenne les paroles, une comptine, une chanson ? La mélodie ne m'est pas inconnue.
La cheville. Le froid m'a anesthésié quelques instants mais là je sens bien que le reste du chemin va être difficile.
Je relève la tête regarde ma cible, est ce qu'il me reste un peu de jus ? J'éteins les écrans, je vise malgré la douleur dans la tête. La douleur redouble d'intensité et mon sens de la vue disparaît quelques instants. Pas moyen. Sauter c'est risquer de finir inconscient et congelé à destination. Le don est il lié à la vue plus que je ne le pensais ?
1. Je vais marcher mais doucement mais pas trop à cause du froid qui va m’engourdir plus. Et c'est trop loin pour le faire à cloche pied.
Peut être une petite colline droit devant
Pas moyen de se servir des bouteilles comme de béquilles, pas assez longues.
2. Une centaine de pas plus loin, Je glisse sur un caillou qui achève la cheville. Le reste du terrain est étrange il ressemble à un damier avec des cases noires en creux ou à un puzzle dans lequel il manquerait une pièce sur deux. Un travail titanesque. Et certainement pas celui de la nature. Il y a quelques chemins dessinés par des lignes d'empreintes de pas qui convergent vers la petite colline. J'imagine que ces sentiers sont sûrs. Je fais attention jusqu'à les atteindre. Le plus proche suffira.
Ce paysage modifié par le travail entouré de la ligne de cratères et la Terre au loin c'est un panorama à couper le souffle. Je ne m'y attarde pas trop car du souffle j'en ai besoin, je respire fort pour supporter la douleur. Et je vois la buée s'installer autour des écrans.
La température baisse. Un dernier effort. Je vois une excroissance qui barre la petite colline et un mouvement. Je me rapproche. Quelques dizaines de pas. On dirait un cylindre gonflable qui n'était pas là tout à l'heure. Vingt pas de plus. Je connais ce truc c'est le sas gonflable dans le jeu Kerbal Space Program. Sas d'inspiration russe. Trente ans que j'ai appris, avec un copain passionné, les rudiments de cette langue. Il me reste une poignée de mots pas plus.
Deux phrases peut être. Et plus ou moins en yaourt.
Ya rabotayo ?
Est ce qu'il faut parler russe pour entrer ? Ou lire le russe ?
Les derniers pas sont difficiles. Je sens que ma cheville droite a beaucoup enflé. La faible gravité m'aide à marcher. Avec les bouteilles de gaz et le scaphandre ma masse a presque doublé, augmenté d'au moins trois quarts, mais ici, ainsi équipé, je pèse trois fois moins. L'extérieur du sas est ouvert. Il faut grimper dedans, je glisse la première bouteille de gaz puis la deuxième avant de me hisser moi-même.
La voix me guide laborieusement sur les boutons à utiliser. Pour refermer et pressuriser le sas.
Au bout d'une paire de minutes. Le bruit s'arrête et le sas gonflable paraît plus rigide. J'ai moins froid.
Dans le sas, en plus de mes bouteilles de gaz, il y a une sorte de sac en toile volumineux comme celui d'un marin sur le départ. La voix précise, repose toi, rentre chez toi, lis les instructions et reviens nous voir quand tu peux. Nous devrions tenir cinq à huit jours avec deux bouteilles. Pour la prochaine fois tes chauffages à gaz seront une bonne idée.
Est ce que je viens d'instaurer du troc avec des habitants de la Lune ? Je reprends mon souffle. La tiédeur relative me fait du bien. J'ai tellement de questions.
Combien de temps va t-il me falloir pour réduire la fatigue et rentrer chez moi ? Une heure ? Je mangerai bien quelque chose.
Dans le sac me dit la voix.
Je regarde le sac en détail, c'est très proche du sac marin militaire que je connais. Je libére la ficelle. Et je l'ouvre en grand. Un casque avec visière relevable pour le soleil. Dedans, un petit sac dans un tissu très très fin. En dessous, ce qui reste d'un scaphandre. Mais avec ma taille les deux bouteilles et le sac marin, pas trop de place pour sortir le scaphandre. Dans le petit sac, du raisin très noir. Tout haut je dis. Si l'air est respirable je vais ouvrir mon casque et manger une partie du raisin pour reprendre des forces et rentrer chez moi.
Fais donc.
Je ferme l'arrivée d'air. J'actionne le levier du cerclage emprunté sur les petits bidons étanches. Mon scaphandre est sous une pression supérieure,
Je fais tourner le casque un peu pour décaler les aimants en face d'autres aimants qui tiennent l'ensemble jointif. J'écarte un peu la collerette. D'accord mon air terrien s'enfuit puis je perçois des odeurs organiques, des odeurs de fleurs, de feuilles, de fruits, de sous bois. De terreau. Ça me change de mes bouteilles d'air comprimé. Sous cette colline lunaire ça sent la campagne et le jardin au printemps.
J'ôte mon casque, respire à pleines narines. C'est agréable.
Il y a trop d'odeurs, trop de parfums pour les reconnaître tous.
Je pense que je ne vais voir personne ici aujourd’hui. Pas si mal pour un premier contact, après tout.
Je commence à manger le raisin. Il est bon, sucré et juteux. Mon corps me réclamait du gras tout à l’heure je mange les pépins. J’en garderai quelques uns pour faire pousser chez moi de la vigne lunaire, extra terrestre peut être.
Après avoir mangé ce raisin et rêvassé une vingtaine de minutes, je suis rentré chez moi d’un saut. La douleur à la tête est revenue, mais après avoir ôté mon casque, j’ai pris de quoi soigné la douleur.
De la Lune, j’ai visé chez moi, dans le hangar. Je me suis organisé il y a quelques semaines. j’ai installé un trampoline de cinq mètre de diamètre et des matelas usagers tout au tour. En général mon imprécision est inférieure à un mètre même parfois moins. Pour la hauteur c’est pareil donc un trampoline c’est la solution.
Pour être sûr j’ai creusé sous le trampoline et réduit les pieds à une hauteur minime pour avoir plus de marge au plafond. Épuisé, avec mal à la tête ma précision n’est pas bonne donc j’ai prévu de quoi rentrer sans casse, même dans les situations d’urgence.
Tout de suite ce n’était pas fameux, je suis apparu à environ un mètre quatre vingt de la toile. Le trampoline ça sauve.
J’avais faim, je voulais manger un autre truc rapide mais je sais que je dois prendre soin de mon cerveau et lui apporter de bons nutriments, la malbouffe réduit mon don surtout l’endurance aux nombres de sauts. j’ai continué le raisin tout en gardant pas mal de pépins, après tout la vigne lunaire c’est intéressant à faire pousser. Ensuite j’ai déballé le scaphandre sur une vielle table de jardin. Le modèle est ancien, usé comme par un usage intensif, trop pour servir dans l’immédiat, il ne donne pas l’impression d’être étanche. Mais c’est une bonne piste et le rénover ou de m’en inspirer va être plus simple que de tout réinventer. J’ai cherché le modèle sur la toile, ce n’est pas une version qui apparaît sur les sites internet de passionnés car celui ci est visiblement conçu pour explorer un sol et pas juste visiter le vide l’espace. Il y a moyen d’imiter les avancées de tous ces modèles pour rénover celui ci. Et il est bien d’inspiration russe. Il y a peut être des russes sur la Lune dans une base enterrée sous le sol. Une base suffisamment élaborée pour produire du raisin noir. Et avec quelqu’un qui communique d’esprit à esprit. C’est déjà une bonne nouvelle et je suis venu en aide à ces gens. Encore très loin d’avoir l’étoffe d’un des gardiens de la galaxie mais c’est pas mal quand même. Ce sauvetage ou ce troc est un premier pas pour moi et pas un petit. Si je fais pousser cette vigne dans mon habitat je vais avoir des provisions qui vont m’aider à me restaurer après les sauts. Plutôt une bonne idée, sans parler de l’avantage d’épurer l’atmosphère et de faire de l’oxygène. Il faut que je prévois une sorte de palissage, des bacs qui supportent l’apesanteur et de l’éclairage dédié. Et un arrosage qui supporte la faible gravité voir l’absence de gravité.

Il faut que je retourne vers ces gens disons dans cinq jours et mon habitat mobile est loin d’être prêt. Est ce que j’ai le temps de modifier mon scaphandre ou de rafistoler celui qu’ils m’ont donné ?
Le silicone met un certain temps à être bien stable en profondeur. Pas sûr que ça suffise.
Je vais relire pendant mes pauses le petit roman de Heinlein. J’espère être inspiré pour trouver des solutions, boire et manger en scaphandre par exemple.
Il me faut du temps sur place sur la Lune pour améliorer ma précision. Pour me téléporter de mémoire, compte tenu de la différence de référentiel j’ai besoin d’être sur place plus longtemps qu’une rotation de ma cible, donc la Lune disons 30 jours. J’ai vu lors de mes essais précédant que de la Terre à la Terre, je peux y aller de mémoire à coup sûr mais sur un autre astre, la partie de moi qui « calcule » la position de mémoire à besoin de connaître intimement la rotation et révolution de l’astre visé. J’ai compris ça en cherchant à viser le site de Apollo 11, la deuxième fois, de mémoire et je me suis retrouvé sur l’orbite de la Terre autour du soleil, loin dans l’espace. Peut être à quatre millions de de kilomètres de la Terre ou de la Lune . J’ai cherché la Lune mais elle était très loin, trop loi pour la voir, je ne suis même pas sûr d'avoir reconnu la Terre, un petit point bleu à l’œil nu. Je n’ai pas insisté. Je suis rentré sur Terre. Pour que ça fonctionne je pense qu’il faut que je reste assez longtemps sur une position d’où l’idée dans habitat avec des provisions, de l’eau de l’énergie. Le cas de la Lune si mon hypothèse se vérifie est assez gênant mais je ne me sens pas prêt à aller plus loin que l’orbite lunaire. Mars pourquoi pas mais à viser à l’œil nu ce n’est pas facile, les planètes mercure et vénus un peu de conditions trop difficiles autant en orbite que à la surface pour mon scaphandre artisanal ou l’habitat. Ce dernier n’est pas prêt. Si il faut que j’attende trente jours ce n’est pas grave, j’emporterais de quoi m’occuper. Jouer à Kerbal Space Probram sur la Lune ça peut être fun.
Je peux revenir facilement à la maison dans ma Bretagne presque le temps d’un battement de cœur, mais uniquement en cas d’urgence. Il m’a fallu une dizaine de saut et l’épuisement pour trouver la base lunaire, mais avec l’habitat qui est quand même massif je ne pourrai en faire que deux ou trois.
Donc C’est un peu le serpent qui se mort la queue. Il faut l’habitat pour rester longtemps mais l’habitat ralenti les déplacements. Il me faut du temps pour mettre ça au point. La priorité, acheter plus de bouteilles de gaz, peut être les accessoires associés un système double avec détendeur, et apporter un chauffage gaz. On arrive aux beaux jours, j’en aurai moins besoin donc ce n’est pas très grave à court terme.
Dans cinq jours je pars avec un chauffage à gaz et trois ou quatre bouteilles de vingt quatre kilogrammes, j’espère que je pourrai me repérer plus facilement que tout à l’heure. Gros programme en perspective. Je vais reposer mon cerveau, au moins la partie qui sert à ce déplacement non conventionnel.
On repart en mode construction comme pourrait dire Tony Stark.
Je vais chercher des cartouches de silicone, du latex liquide et de la colle néoprène et de grandes rustines et la colle qui va bien, mais avant tout essayons de gonfler ce scaphandre russe pour voir si il a des fuites.
Le tissus de verre c’était pratique il va m’en falloir aussi, d’ailleurs il faut que j’examine les dégâts sur ma botte et que je soigne ce pied. La joie d’avoir réussi cette livraison pour le moins étonnante me fait oublier l’essentiel et la douleur.
Alors cette cheville ?
Pas facile de retirer cette botte. Pas envie de la découper. Il y a beaucoup de travail vu les matériaux, et encore plus de travail pour la reconstruire..
De l’eau peut être ou un anti inflammatoire ?
Il faut du temps mais je ne vais pas faire mes courses en scaphandres spatial artisanal.
Avec quelques morceaux de chevrons je vais construire un tire botte. Et j’espère que ça suffira avec un anti inflammatoire. Je vais me reposer et réfléchir le temps que le médicament fasse effet et ensuite ça devrait aller.
Mais ç’est à réfléchir pour le futur scaphandre, des bottes et des gants séparables du reste avec les mêmes fermetures magnétiques que mon casque.
Le tire botte dans quelques minutes.
Mais avec la gravité terrestre marcher avec cette cheville c’est moins praticable et très douloureux.

Écriture du 17 avril.

Cinq jours de travail et peu de repos, juste deux bonnes nuits, les deux dernières.
Le scaphandre russe est rustique mais d’une complexité énorme par rapport au mien.
La technologie est ancienne, plus de 50 ans. J’ai remplacé les batteries par un pack moderne lithium ion en assemblant des cellules standards pour la bonne tension et le gain en autonomie est plus du quadruple de l’origine. Le gain en masse est du même ordre. J’ai changé tous les joints, huilé tout ce qu’il faut. J’ai fait quelques essais dehors pour tester. Il ne fuit plus, la ventilation et la climatisation ronronnent. J’ai remplacé les lampes par des LEDs, ça aussi c’est du gain. Par contre obligé de faire fabriquer par un ami au tour numérique des pièces en laiton pour connecter mes bouteilles. Pas le choix de lui montrer le scaphandre. Je lui ai menti en lui disant que je l’avais gagné dans un concours. Il connaît ma passion pour l’espace, j’espère que cela suffira. Comment lui dire qu’on me le l’a troqué sur la Lune contre des bouteilles de gaz à quelques dizaines d’euros.
Je lui ai déroulé le scenario du jeune qui gagne un engin comme dans le roman mais moi j’ai plus de trois fois l’âge du héros du livre.
L’avantage j’ai des pièces ajustées, sur mesure et un gars qui pourra me faire d’autres pièces éventuellement. Le fait qu’il soit fortement imprégné d’une odeur de chaussettes, a donné du crédit à mon bobard. Ce scaphandre a été usé littérairement jusqu’à la corde. Je l’ai promis à mon pote, il a fait un tour dedans ça lui a plu. ,En démontant les renforts métalliques j’ai pu le retourner comme une chaussette justement, nettoyer abondamment l’intérieur et refait l’étanchéité au niveau des genoux, des coudes et des aisselles et un accroc sur le ventre avec du latex liquide et de la gaze. Le test à l’eau savonneuse après l’avoir gonflé d’air est toujours efficace.
Sur l’extérieur j’ai tout doublé au silicone.
Étanchéité OK
Batteries OK
Oxygène OK
recyclage OK
Chauffage et refroidissement OK
Il faut porter un sous-vêtement complet pour ne pas avoir le latex toilé en contact avec la peau et risquer des abrasions, je suis à deux doigts de mettre une combinaison en pilou. Pas le temps de la commander ça sera jogging et chaussettes pour cette première fois.
Il y a une réserve d’eau et un tube accessible en tournant la tête. J’ai changé ces pièces là aussi pour un modèle que certains cyclistes de cross utilisent. C’est pas mal. Un peu moins de deux litres. C’est bien gentil tout ça mais cette eau elle ira quelque part. Tony Stark se soulage bien en costume dans son armure, je n’ai pas accès à cette technologie, je me contenterai d’un truc basique mais qui a fait ses preuves. J’ai mis un gratte nez comme Thomas Pesquet, du coté opposé au tube d’eau.
Un truc à manger, des médicaments c’est prévu dans le petit roman,. Comment je peux accrocher des choses que je peux attraper avec la bouche sans risque de les voir tomber plus bas dans le scaphandre ? On va se contenter ce coup ci d’eau et de bons repas riches en sucres lents pour ne pas avoir de coups de pompes.
Tout est prêt ?
N’oublions pas la musique. Des oreillettes sans fil ça c’est facile, mais si je veux le manipuler avec les doigts, il me faudra un appareil à l’extérieur, je n’ai pas le temps d’en sélectionner un et de le rendre résistant à l’environnement spatial. Il y a une radio dans le scaphandre, est ce que je peux lui faire jouer une autre source sonore ?
C’est possible juste après la pré amplification du signal reçu . Je vais souder un jack audio et y brancher un vieux baladeur mp3. La première fois j’ai mis environ une heure et demi pour trouver la base. Ce coup ci moins. Parti pour un album de une heure un quart et ça va être bon. Un album que je connais bien comme ça je saurai ou j’en suis dans mon minutage même sans chronomètre.
Hudson Hauk façon album.
Un bon vieux hard-rock.
Un bon repas une sieste et je prends mon envol.
Il faudra que je creuse cette histoire de radio pour une prochaine sortie. Pour dialoguer avec mes nouveaux amis peut être.
Je me sens reposé, l’esprit clair, il est temps.
Du liège pour isoler les mains, pas facile à enrouler sur les poignées et en combien de temps il se délite dans le vide ? Du tissu de verre peut être ? Plusieurs tours. Ça et de meilleurs gants ce sera mieux. La Lune est haute dans le ciel, je la vois, je la vise, très déroutant de ne plus avoir ma petite lucarne pour viser et mes écrans pour voir. C’est un grand pas en avant d’avoir une visière transparente. Pas facile de viser le pole sud, je vise l’astre lui même, pour arriver en orbite. Un saut de gagné par rapport à l’orbite basse terrestre. Sur place je m’oriente, avec la main gauche je suis prêt à baisser la visière pour ne pas être ébloui. Je reconnais la partie sud, j’y vais. Quel plaisir de la voir en vrai plutôt que avec des écrans. Par contre pas de fonction zoom, on fera sans. Ensuite je pars sur une approche à ce que j’estime une dizaine de kilomètres. J’ai fait quelques repérages grâce aux logiciels de cartographies et je sais à peu près placer la base cachée sur la carte.
Si je gère bien je peux faire trois sauts de moins que la dernière fois pour ce trajet. J’avais fait deux allers et retours dans la journée, donc l’épuisement était maximal. J’espère que la migraine et la perte de connaissance ne seront pas au rendez-vous. J’emporte plus lourd que lors de ma première livraison. Le scaphandre est plus lourd que le mien. Et mon chargement est plus important, trois bouteilles de gaz, dont une fixée dans le chauffage, j’ai rangé aussi dans le logement de la bouteille, enroulée autour du col de cette dernière, des raccords pour mettre plusieurs bouteilles sur le chauffage avec un système de bascule pour passer d’une bouteille à l’autre. J’espère que ça plaira.
Plus lourdement chargé, moins de sauts j’ai bon espoir de ne pas finir dans la douleur.

Je vais essayer d’être discret car mon rond de poussière de l’autre jour était peut être visible depuis la Terre et pourrait attirer des télescopes plus puissants avec des curieux derrières. Tout en douceur sans me faire d’entorse. J’ai l’expérience du sol lunaire à trois reprises, et une fois au pôle.
Je me laisse porter par la musique, guider par la beauté du panorama et concentré sur mes actions. De proche en proche j’arrive enfin en vue de la zone en puzzle ou en damier et je me pose.


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