Le Journal de Bertrand : Titan humide

Cette bataille contre cette créature géante a dix bras fut terrible.

L’élément liquide n’est pas l’idéal pour se battre, notre embarcation n’était pas stable avec un ou deux, comment savoir, tentacules accrochés au mat et au plat-bord.

Étrangement la Dame a été épargnée des empoignements musculeux de la créature, comme si son contact ou sa nature lui faisait peur.

Frédérick a eu le temps de saisir son carquois garni et son arc avant de se faire attraper et soulevé.

Philippe a saisi dans chaque main son épée et son bec de corbin. Il s’est placé à la proue et à commencer à attaquer les tentacules qui tenaient Frédérick.

Arthur a pris la ruine d’épée dans la main gauche et son épée personnelle dans la droite. Il frappait les membres qui tenait la proue.

J’ai saisi et planté mon épieu dans le banc de nage, si fort que la pointe s’est arrêté à deux doigts de la coque. J’ai enroulé ma jambe droite autour tandis que la créature enroulait un autre de ses bras autour du mat. Avec la main gauche maintenant une forte prise sur la hampe de mon arme d’hast j’étais à peu près à l’aise pour me battre à l’épée malgré les mouvements de la yole.

Ma pupille a attaqué avec ses dagues mais face à cet adversaire qui pouvait être tour à tour très dur puis très mou les blessures infligées n’étaient pas importantes.

Quand les tentacules se sont rapprochés et nous ont entourés dans la partie le plus forte la plus près du corps de l’animal, il était plus difficile de lutter. Puis le corps de la créature est apparu, presque à la surface de l’eau, avec une lueur grande comme un plat à viande. En pesant sur l’embarcation, le corps est sorti de l’eau, il nous a regardé chacun notre tour avec un œil immense. Quand j’ai senti son regard dans le mien j’ai perçu toute la haine éprouvé d’un humain envers un autre. Bien au-delà d’un prédateur sur sa proie.

Puis il a porté son attention sur la Dame et son regard a pris une autre intensité et les extrémités de ses tentacules ont été agités d’un curieux tremblement.

La yole a craqué, il nous a tous serrés très très fort.

Arthur a crié. Philippe a gémi. Frédérick s’est débattu déchirant son tabard libérant son torse nu, ses muscles tendus à l’extrême lui dessinant un corps de dieu grec. Il a dégagé ses bras, attrapé une flèche et dans un mouvement si ample et si rapide qu’il m’ a surpris, il a décoché une flèche dans l’œil du monstre. La corde de son arc a vibré comme jamais. La créature n’a pas crié et je ne pense pas qu’elle soit doté des organes pour le faire. Son œil qui l’instant d’avant regardait la Dame avec tant d’intensité, lumineux comme un phare dans notre nuit, a explosé. J’étais le plus près, j’ai été éclaboussé si fort que je pense avoir reçu l’équivalent de plusieurs bols d’humeur à l’odeur acre.

Le corps de la créature est redescendu dans l’eau, puis a glissé sous la yole.

Elle nous a serré encore plus fort et des griffes le long des tentacules ont déchiré nos chairs.

La prise sur Frédérick s’est intensifiée, un autre tentacule est venu s’enrouler autour de son cou.

Arthur se débattait comme un beau diable frappant d’abord de l’épée tronquée pour bloquer un tentacule puis de l’autre occasionnant des plaies saillantes. Philippe se déchaîna, clouant un membre sur le coffre avant avec le pic de son marteau de guerre avant avant d’en sectionner un bon mètre en trois coup d’épée.

Malgré cela chaque membre de la bête resserre son emprise.

(Lumière ! Lumière !

Non mieux !

(D’accord !)

De la lumière est apparue graduellement, trop tôt pour le lever du jour, un coup d’œil au sommet du mat me dévoile des étincelles.

Les étreintes sont si serrées si fortes que je vois mes camarades rougir puis bleuir. Moi même, je ne tarde pas à ne pas pouvoir lutter et reprendre ma respiration.

Nos souffles coupés, le sort ne devrait plus hésiter trop longtemps sur l’issue de la bataille et annoncer notre défaite.

Le sommet du mat clignote. Une croix puis une silhouette se dessine en hauteur illuminant la scène d’une lumière bleutée et crépitante et une odeur d’orage.

J’ai formulé dans ma tête à défaut de pouvoir le crier ou même le murmurer « Saint Elme, priez pour nous ».

La silhouette lumineuse s’agrandit jusqu’à taille humaine, étrange phénomène pour un si petit mât.

Avec le peu d’énergie qui me reste je désigne du regard à la Dame la lumière en haut du mat.

Pour l’instant, seules les extrémités de tentacules plus larges et plus plates, comme des feuilles de châtaigner larges comme mes grosses mains s’agitent sur ma pupille pendant qu’elle se bat.

Les pointes de ses dagues sont ourlées d’étincelles. Sa ceinture dorée qui doit avoir des affinités avec le phénomène, se pare d’une aura brillante sur une longueur de doigt tout autour de sa taille.

Même si je sais qu’il s’agit d’un phénomène naturel, ainsi présentée on la dirait parée des atours d’une déesse, sauf peut être ses cheveux dressés à la verticale sur sa tête.

L’odeur se fait piquante à mes narines malgré le très léger filet d’air que j’arrive à respirer.

A travers tous les crépitements, j’entends quelque chose racler la coque sur bâbord.

C’est la flèche dans l’œil qui frotte la coque, la créature, qui remonte observer, nous et ce phénomène lumineux avec son dernier œil.

Le monstre empoigne Frédérick avec un tentacule de plus. Son carquois est tombé avec sa lanière brisé en même temps que ses vêtements tout à l’heure. Il jette son arc dans le bateau avant d’être entrainé près du centre de la créature entre les cinq paire de bras.

J’aperçois un bec noir énorme et les pieds de Frédérick qui s’en rapprochent. Son torse et ses bras nus sont lacérés des plaies faites par les griffes, grandes et petites semblables à celles des chats. Cette bête est terrible.

Arthur se débat dans les airs sans le support du bateau comme une planche de découpe ou un billot, ses coups aussi puissamment assenés portent moins. Il bleuit terriblement.

Je vois dans le regard de Philippe qu’il est à quelques instants de perdre connaissance, son expression ne laisse aucun doute sur les émotions qui le traversent.

J’essaie de lui répondre d’un sourire plein de compassion.

Moi même je sens qu’il ne me reste que peu de force avant de défaillir et de mourir au coté de mes trois protégés qui me font confiance depuis plus de dix ans et de ma pupille.

Je tourne mon regard vers cette dernière avec un visage implorant.

Elle me regarde d’abord interdite puis une lucidité éclate dans son regard.

Elle remet au fourreau sa dague gauche, fait des moulinets du bras pour échapper aux tentacules qui la serrent fort et à leur extrémités qui la palpent partout. Elle allonge le bras, empoigne le mat à son sommet, J’entends sa chair grésiller et j’aperçois la lueur bleue la parcourir des doigts jusqu’à l’épaule. Elle allonge l’autre bras dague en avant et vient piquer l’intérieur de l’animal près du bec énorme. Un flot de lumière d’une grande intensité la traverse d’une main à l’autre. Elle engouffre sa main dans le bec grand ouvert par le choc électrique avant que le pied gauche de Frédérick n’y rentre. Une langue rappeuse arrache la peau de son index pointé en avant dans ce gosier resserré dans lequel sa dague avait déviée, lame plaquée le long de l’avant bras.

Le sang coule , la chair du monstre fume et grésille.

Il lâche tout et tout le monde et de tous ses membres se propulse en arrière dans l’eau et disparaît dans les profondeurs.

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